Dans son projet d'allocution, reportée lundi soir en raison de l'incendie de Notre-Dame, le chef de l'Etat avait évoqué "des réductions de notre dépense publique", "la suppression de certaines niches fiscales" mais aussi "la nécessité de travailler davantage" afin de financer la baisse d'impôts qu'il envisage.
Les circonstances particulières entourant cette allocution mort-née ont empêché de connaître les détails de cette mesure potentiellement explosive, dans un contexte social déjà très dégradé. "Ce sujet est tellement majeur qu'on ne va pas commenter un bout de phrase pas prononcé", a résumé lundi Pascal Canfin, ancien patron du WWF et numéro 2 sur la liste LREM pour les Européennes.
Mais depuis, l'idée fait tout de même son chemin, posant notamment la question du financement de la dépendance, un des grands défis des démocraties occidentales face à l'allongement de la vie.
"A l'évidence, il faudra qu'on travaille davantage pour pouvoir mieux soutenir nos aînés", a déclaré lundi sur LCI Nathalie Loiseau, qui mène la liste présidentielle pour le scrutin du 26 mai.
L'ancienne ministres des Affaires européennes n'a pas précisé sous quelle forme: abandon des 35 heures, augmentation des années de cotisation retraite ou suppression d'un jour férié. Mais "on ne peut pas continuer à laisser les choses en l'état", a-t-elle insisté.
Le gouvernement avait déjà soufflé le chaud et le froid ces dernières semaines lorsque Edouard Philippe et plusieurs ministres ont assuré que la réforme des retraites en gestation ne toucherait pas à l'âge légal de 62 ans. Tout en évoquant un possible allongement de la durée du travail ou un recul de l'âge de départ à la retraite pour financer la dépendance.
"Insultant"
Selon un sondage Ifop publié dimanche par le JDD, 54% des Français sont opposés à l'idée de travailler plus. Ian Brossat, tête de liste PCF aux Européennes, en fait partie. "Quand j'entends le président Macron nous dire il va falloir travailler plus pour gagner autant, c'est insultant pour des millions de Français (…) alors que le nombre de milliardaires en France a été multiplié par trois ces dix dernières années", a-t-il dit sur RFI.
Nicolas Bay, un des dirigeants du Rassemblement national, estime lui que les Français sont "prêts" à travailler davantage "si les conditions sont favorables", tout en qualifiant de "gadget" l'idée de supprimer un jour férié pour instaurer une journée de solidarité, susceptible de rapporter trois milliards d'euros par an dans les caisses de l'Etat.
La question divise jusqu'au sein de la majorité. Aurélien Taché, député de l'aile gauche de LREM, préconise de "privilégier des pistes où on ne demandera pas aux Français de travailler plus" et propose plutôt de recourir à la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS).
Aurore Bergé, autre députée LREM, défend en revanche la proposition déjà formulée par son parti d'une nouvelle journée de solidarité. Selon elle, "il est inenvisageable de financer la prise en charge de la dépendance par de l'impôt en plus", alors que la crise des "gilets jaunes" a justement éclaté à cause d'un impôt, la taxe carbone, il y a cinq mois.
Le cadre de la conférence de presse jeudi à l'Elysée, exercice inédit depuis le début du quinquennat, devrait offrir l'occasion à Emmanuel Macron de préciser ses projets.
Le chef de l'Etat, qui a passé le week-end pascal au Touquet, devrait y défendre des annonces qui ont déjà fuité comme la baisse de l'impôt sur le revenu, la réindexation sur l'inflation des petites retraites, la suspension des fermetures d'écoles et d'hôpitaux jusqu'à la fin du quinquennat ou la suppression de l'ENA.
Ce face-à-face avec les journalistes doit être précédé d'un propos introductif détaillé et l'ensemble s'annonce dense. "Ce que je dis aux journalistes, c'est amenez vos sandwiches parce que ça va durer longtemps", a averti Daniel Cohn-Bendit, un des soutiens de Macron, lundi sur LCI.
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