Initialement prévu le 29 mars, le Brexit a été une première fois repoussé au 12 avril, puis au 31 octobre, faute d'accord au Parlement britannique sur les conditions de la sortie de l'Union européenne.
"Deux ans et demi (après le référendum du 23 juin 2016), nous n'avançons pas", s'emporte une habitante de la ville, Judith Churrah, 66 ans, qui en vient à souhaiter des moyens extrêmes pour débloquer la situation, comme... "incendier le Parlement".
Lors du référendum, 75,6% des électeurs de Boston avaient voté pour quitter l'UE, contre 51,9% à l'échelle nationale. Parmi leurs motivations premières: limiter une immigration qui a radicalement changé le visage de la ville après l'entrée dans l'UE en 2004 de huit pays de l'ancien bloc communiste.
Des milliers de personnes, venant notamment de Pologne et des pays baltes, ont débarqué dans cette ville de l'est de l'Angleterre, attirées par la demande en main d'oeuvre pour travailler dans les terres vastes et fertiles de la région des Fens.
Mais ce boom de l'immigration est entré en collision avec la crise financière de 2008: les fonds gouvernementaux se sont taris, et l'afflux de population n'a pu être accompagnée par une expansion idoine des infrastructures, nourrissant un certain malaise des habitants, et in fine le vote en faveur du Brexit.
Selon le bureau national des statistiques, 20.000 des 68.000 habitants recensés à Boston en 2017 sont nés hors du Royaume-Uni, contre 6.000 pour une population de 57.000 en 2004.
"Ils sont comme nous"
Le résultat du référendum a néanmoins suscité des initiatives d'habitants soucieux de combler le fossé entre "anciens" et immigrés.
Des repas sont ainsi organisés par l'église Saint-Botolph pour favoriser les échanges entre les communautés. "En apprenant à nous connaître, nous devenons plus à l'aise les uns avec les autres", souligne Adam Kelk, un responsable clerical local.
Autre exemple: le marathon de Boston, lancé en 2016 pour promouvoir l'intégration.
"Le sport et les activités communautaires sont de loin le meilleur moyen de résoudre les problèmes, d'intégrer (les immigrés) et de réduire les tensions", estime le directeur du marathon, Richard Austin.
Mais alors que ces efforts semblaient porter leurs fruits, de nouvelles difficultés sont apparues avec une autre vague d'immigrés venant de Roumanie et de Bulgarie.
Interrogés sur ce qui a changé à Boston depuis le référendum de 2016, de nombreux habitants natifs de la région, mais aussi les immigrés installés de longue date, désignent l'arrivée des Roumains.
"(Les immigrés) qui sont là depuis longtemps, arrivés avec la première vague, nous connaissons leurs noms, nous avons vu leurs enfants grandir", souligne Kelly Brandon, vendeuse de fruits et légumes sur un marché. "Ils sont comme nous, à part la langue".
"Dans le noir"
A l'écart de la ville, les fermes et entreprises qui ont attiré les immigrés se sentent aujourd'hui abandonnées face à un Brexit dont elles ignorent toujours quelle forme il prendra.
Belmont Nurseries, le plus grand producteur britannique de tulipes à ciel ouvert, a commencé à stocker ses bulbes, de peur que la paperasserie post-Brexit n'impose des délais de transit susceptibles de les abîmer.
Non loin de là, l'entreprise J. A. Collison and Sons produit plus de 32 millions fleurs chaque année sous six hectares de serres et de tunnels en polyéthylène.
Report du Brexit oblige, "nous sommes complètement dans le noir", peste Ian Collison, l'un des dirigeants. "Nous avons juste besoin ça soit réglé".
Dans cette entreprise très active au moment des fêtes de Pâques, environ 95% des 60 à 80 employés proviennent d'Europe de l'Est.
"Nous dépendons presque entièrement de la main-d'œuvre immigrée de l'UE, comme l'ensemble du secteur horticole britannique", explique M. Collison. "Nous n'avons que des choses positives à dire à leur sujet. Ils ont une éthique de travail fantastique, ce sont des employés modèles".
Lui aussi s'emporte contre l'incertitude sur le Brexit, qui l'a poussé à mettre "en suspens" des projets d'agrandissement.
Une ville "trop petite"
A Boston, West Street est aujourd'hui dominée par des boutiques fréquentées par les immigrés d'Europe de l'Est. Dans cette rue très animée, des gens font la queue devant une agence de transferts de fonds, d'autres déjeunent dans des restaurants lituaniens.
Jaidas Stirbys, un ouvrier de 34 ans, y promène son tout petit chien. Ce Lituanien est venu à Boston il y a 12 ans pour trouver du travail. "Quand je suis arrivé ici, je ne parlais que lituanien. Maintenant, je parle cinq langues", dit-il.
"Je suis heureux de ma situation. J'espère juste que le Royaume-Uni restera dans l'UE".
Né au Maroc, Berbère d'origine, Anton Dani, propriétaire du "Café de Paris", est lui au Royaume-Uni depuis 24 ans et a épousé une Polonaise.
Ce partisan plutôt improbable du Brexit, étant donné son parcours, estime que les nouveaux arrivants devraient faire comme lui: apprendre l'anglais et adopter la culture du pays.
"L'intégration, ça ne marche pas du jour au lendemain. C'est très lent", dit-il, regrettant que "chacun s'isole et commence à vivre dans sa propre communauté".
Le problème de Boston, croit-il, ce ne sont pas les immigrés. "C'est juste que la ville est trop petite pour faire face (à leur afflux)".
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