Aucun groupe n'a revendiqué ces attaques, mais les autorités ont arrêté huit personnes et vérifient d'éventuels "liens avec l'étranger".
En quelques heures, des bombes ont semé mort et désolation dans quatre hôtels et trois églises, en pleine messe de Pâques, en plusieurs endroits de l'île d'Asie du Sud, qui n'avait pas connu un tel déchaînement de violence depuis la fin de la guerre civile il y a dix ans.
"C'était un torrent de sang", a témoigné N. A. Sumanapala, un commerçant voisin de l'église Saint-Antoine de la capitale Colombo, frappée dans la matinée. "Je me suis précipité à l'intérieur pour aider. Le curé est sorti, couvert de sang."
Six explosions très rapprochées sont survenues dans la matinée, et deux plusieurs heures après, sur cette île prisée des touristes étrangers pour ses plages idylliques et sa nature verdoyante, faisant aussi plus de 450 blessés. Au moins deux des déflagrations sont le fait de kamikazes, selon des témoins.
Huit personnes ont été arrêtées, a annoncé le Premier ministre Ranil Wickremesinghe.
"Jusqu'ici les noms que nous avons sont locaux" mais les enquêteurs cherchent à savoir s'ils ont d'éventuels "liens avec l'étranger", a déclaré dans une allocution télévision le chef du gouvernement
Il a par ailleurs reconnu qu'"il y avait des informations", qui "doivent faire l'objet d'une enquête", sur des risques d'attaques.
Le chef de la police nationale, Pujuth Jayasundara, avait émis une alerte il y a dix jours, sur la foi d'informations "d'une agence de renseignement étrangère" avertissant qu'un mouvement islamiste, le NTJ, projetait "des attentats suicide contre des églises importantes" et l'ambassade d'Inde à Colombo.
Le NTJ (National Thowheeth Jama'ath) s'était fait connaître l'an passé en lien avec des actes de vandalisme commis contre des statues bouddhiques.
En réponse aux attaques, le Sri Lanka a décrété un couvre-feu et le blocage temporaire des réseaux sociaux pour empêcher la diffusion d'"informations incorrectes et fausses".
Le Premier ministre a appelé la population à "l'unité" et promis "d'éradiquer cette menace pour de bon".
Gabriel, un chrétien sri-lankais d'une trentaine d'années, a eu son frère blessé dans l'attaque de l'église Saint-Sébastien de Negombo, à une trentaine de kilomètres au nord de la capitale et surnommée "la petite Rome" pour ses nombreuses églises.
"Nous sommes tous en état de choc. Nous ne voulons pas que le pays revienne à ce passé noir où nous devions vivre tout le temps dans la peur des attaques suicide", a-t-il déclaré.
Kamikaze
Une vidéo prise dans l'une des églises touchées montrait de nombreux corps recroquevillés, le sol jonché de décombres et couvert de sang, les murs grêlés par les éclats. La violence de l'explosion a soufflé des parties du toit, laissant entrevoir le ciel.
Le pape François a exprimé sa "tristesse" en apprenant "la nouvelle des graves attentats, qui précisément aujourd'hui, jour de Pâques, ont porté deuil et douleur dans plusieurs églises et autres lieux de réunion au Sri Lanka". L'archevêque de Colombo a lui appelé à "punir sans pitié" les responsables.
Environ 1,2 million de catholiques vivent au Sri Lanka, un pays de 21 millions d'habitants où les chrétiens représentent 7% de la population, majoritairement bouddhiste (70%). Le pays compte également 12% d'hindouistes et 10% de musulmans.
À Colombo, trois hôtels de luxe en front de mer - le Cinnamon Grand Hotel, le Shangri-La et le Kingsbury - ainsi que l'église Saint-Antoine ont été frappés par des attaques presque simultanées survenues à partir de 08H30-09H00 locales (03H00-03H30 GMT).
Des bombes ont aussi explosé dans l'église Saint-Sébastien à Negombo et dans une autre à Batticaloa, ville située de l'autre côté du Sri Lanka, sur la côte orientale.
Quelques heures plus tard, deux autres déflagrations sont survenues. L'une dans un hôtel de Dehiwala, une banlieue sud de Colombo, l'autre à Orugodawatta, dans le nord de la ville, où un kamikaze s'est fait exploser lors d'une opération policière, tuant trois membres des forces de l'ordre.
Au moins 35 étrangers figurent parmi les morts, notamment des Chinois, Néerlandais, Portugais, Américains et Britanniques. L'Inde a confirmé la mort de trois de ses ressortissants.
De l'Iran à la Grande-Bretagne, les condoléances et les appels à défendre la liberté religieuse ou à lutter contre le terrorisme se sont multipliés. Le président américain Donald Trump a condamné des "attaques horribles" et proposé l'aide de son pays.
"C'était le chaos"
Au Cinnamon Grand Hotel de Colombo, situé près de la résidence officielle du Premier ministre, un Sri-Lankais, qui s'était enregistré à l'hôtel la veille sous le nom de Mohamed Azzam Mohamed, a enclenché sa bombe dans la file de clients, venus profiter d'un buffet de Pâques dans un restaurant de l'établissement.
"Il était huit heures 30 du matin. Il y avait beaucoup de familles", a raconté à l'AFP un employé. "Il est allé au début de la queue et s'est fait sauter", a-t-il ajouté. "Un manager qui accueillait les clients fait partie de ceux qui ont été tués sur le coup (...) C'était le chaos."
Le ministre des Réformes économiques Harsha de Silva a fait état de "scènes horribles" à l'église Saint-Antoine et dans deux des hôtels visés où il s'est rendu. "J'ai vu des morceaux de corps éparpillés partout", a-t-il tweeté.
Les catholiques sont perçus comme une force unificatrice au Sri Lanka car on en trouve chez les Tamouls comme chez la majorité cinghalaise.
En 2017, l'Alliance nationale évangélique chrétienne du Sri Lanka a recensé une centaine d'incidents contre les chrétiens dans l'île, selon un rapport du département d'État américain. L'an passé, les autorités ont par ailleurs décrété 12 jours d'état d'urgence pour mettre fin à des émeutes visant les musulmans dans le centre du pays.
"Il y a eu des actes de violence ou d'intimidation continus contre la communauté chrétienne au Sri Lanka ces dernières années", a déclaré à l'AFP Rucki Fernando, un défenseur des droits humains. Mais "nous n'avons rien vu de cette ampleur ou de cette magnitude auparavant".
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