Kobra Samim, survêtement noir et voile rose, ajuste la selle de son VTT avant de s'élancer dans une rue défoncée et partiellement inondée de Kaboul. Une telle image aurait été impensable entre 1996 et 2001, quand les talibans dirigeaient le pays.
S'ils reviennent aux affaires, "nous n'aurons pas le droit à l'éducation, au sport et nous serons empêchées de sortir de nos maisons", s'émeut cette membre de l'équipe afghane de cyclisme, âgée de 23 ans.
"Nous voulons la paix, mais nous voulons aussi continuer à faire du sport et du vélo", affirme-t-elle à l'AFP.
Alors que les Etats-Unis ont entamé l'été dernier des discussions directes avec les talibans, qu'ils ont chassé du pouvoir en 2001, la crainte est grande pour nombre d'Afghans de voir les insurgés reprendre les rênes du pays et la guerre civile se poursuivre.
Les femmes, que les talibans avaient à l'époque confinées à l'espace domestique et contraintes à porter la burqa, sont particulièrement inquiètes. Leur condition s'est en effet fortement améliorée ces 17 dernières années, surtout en milieu urbain.
"Les femmes étaient plus vulnérables que quiconque sous le régime taliban", rappelle la journaliste Farahnaz Forotan. Des lapidations pour de vagues accusations d'adultère avaient ému le monde entier.
"Mon stylo"
Pour conjurer un tel retour en arrière, Farahnaz Forotan a lancé la campagne #MyRedLine, en partenariat avec l'ONU femmes. Sa ligne rouge ? "Mon stylo et ma liberté d'expression", explique-t-elle dans une courte vidéo, la liberté de la presse étant l'un des principaux acquis de l'ère post-talibane.
"Si la paix n'apporte pas de justice sociale à toutes les victimes de la guerre du pays, alors ce ne sera pas une paix stable", assure-t-elle.
Le hashtag #MyRedLine a généré plus de 600.000 "impressions" sur Twitter - "likes", commentaires, partages et autres tweets comportant ce mot-dièse - depuis son lancement en mars, se félicite Farahnaz Forotan. La campagne est également partagée sur Facebook en anglais, pachtoune et dari.
Même le président afghan Ashraf Ghani a récemment tweeté que les droits des femmes constitueraient "la ligne rouge" du processus de paix.
Leur présence est pourtant très discrète dans les négociations. Seules deux d'entre elles - parmi des dizaines d'hommes - participaient à des discussions entre talibans et opposition politique afghane en février dernier à Moscou.
Une autre rencontre, qui devait rassembler ce week-end à Doha des représentants du gouvernement de Kaboul et des émissaires taliban, a été reportée sine die. Davantage de femmes y avaient été conviées.
"Nous les femmes, avons des solutions pour parvenir à la paix en Afghanistan. #MaLigneRouge est : +une participation égale, inclusive et significative des Afghanes au processus de paix+", a tweeté Samira Hamidi, qui travaille pour Amnesty international.
Retour en arrière
D'autres hashtags, tel que #afghanwomenwillnotgoback (les femmes afghanes ne reviendront pas en arrière) ont également fait leur apparition sur la toile.
Le message semble avoir fait mouche auprès de l'envoyé américain pour la paix Zalmay Khalilzad, qui lors de son dernier voyage à Kaboul, a rencontré des groupes de femmes.
Mais les talibans restent de marbre. Alors que la presse faisait état de la présence de femmes dans leur délégation au Qatar, le porte-parole des insurgés Zabihullah Mujahid a tweeté cette semaine : "Nous ne pensons pas (...) que cela soit nécessaire."
Heather Barr, une responsable de l'ONG Human Rights Watch, voit pourtant un signe encourageant dans la campagne en ligne.
Les femmes "sont actuellement dans une situation difficile, mais leurs efforts sont un signe que la société afghane est en train de changer fondamentalement, quel que soit le résultat de ces pourparlers", a-t-elle déclaré à l'AFP.
Les Afghanes sont également soutenues au plus haut niveau aux Etats-Unis, qui cherchent pourtant à mettre un terme à leur plus longue guerre.
"Les intérêts des femmes, ainsi que ceux d'un large segment de la société afghane, doivent être pris en compte dans toute négociation", a insisté la sénatrice Jeanne Shaheen, qui siège à l'influente commission sénatoriale des forces armées.
"Il est vital que les femmes participent aux pourparlers avec les talibans", a-t-elle lancé lors d'une récente visite à Kaboul.
L'actrice américaine et envoyée spéciale de l'ONU Angelina Jolie a elle aussi plaidé leur cause dans une récente contribution au magazine Time. "Les femmes afghanes doivent pouvoir parler en leur nom" lors des pourparlers de paix, a-t-elle écrit.
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