Alors que Londres soumettait lundi au Conseil de sécurité une résolution pour un cessez-le-feu critiquant l'attaque sur la capitale, le président américain parlait le même jour au téléphone avec le maréchal "d'une vision commune" pour un avenir démocratique en Libye, a révélé vendredi la Maison Blanche.
Ce clair soutien américain à l'homme fort de l'est libyen, aux dépens de Fayez al-Sarraj pourtant reconnu comme la seule autorité légitime en Libye par la communauté internationale, s'est accompagné de l'éloge du "rôle significatif du maréchal Haftar dans la lutte contre le terrorisme et la sécurisation des ressources pétrolières de Libye", selon un communiqué de la présidence américaine.
L'appui clair et net des Etats-Unis permet de mieux comprendre pourquoi "Haftar est dans une logique où il veut aller jusqu'au bout", selon les termes d'un diplomate s'exprimant sous couvert d'anonymat. Malgré ses difficultés militaires et un front qui s'est enlisé, il continue d'estimer qu'il "peut l'emporter" 15 jours après le début de son offensive, selon plusieurs diplomates.
Le soutien américain exprimé vendredi, note l'une de ces sources, "clarifie les choses" aussi à l'ONU, où le Royaume-Uni s'escrime en vain depuis cinq jours, avec le soutien de l'Allemagne et la France, à essayer de faire approuver une résolution réclamant un cessez-le-feu et un accès humanitaire inconditionnel aux zones de combat.
Dans les négociations, curieusement, Etats-Unis et Russie s'étaient retrouvés sur une même ligne pour réclamer "du temps" ou dire qu'ils n'étaient "pas prêts" pour une résolution, sans vraiment expliquer à leurs partenaires pourquoi. Alors que sur le terrain l'émissaire de l'ONU, Ghassan Salamé, multipliait les mises en garde alarmistes sur un "embrasement généralisé" et réclamait une réaction urgente.
Camouflet pour l'ONU
Mercredi, les trois pays africains au Conseil de sécurité (Afrique du Sud, Côte d'Ivoire et Guinée équatoriale) ont ajouté leurs voix aux réticences américaines et russes en bloquant le processus de discussions. Avec des demandes qui n'avaient "aucun sens", selon un spécialiste du dossier qui n'exclut pas que leur obstruction ait été "téléguidée" par des grandes puissances ou le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, "très pro-Haftar" et proche de Donald Trump.
L'Egypte exerce actuellement la présidence de l'Union africaine, qui impose souvent ses vues aux membres africains du Conseil de sécurité.
Dans le rapport de forces entre le maréchal Haftar et Fayez al-Sarraj, le premier bénéficie du soutien de l'Egypte, de l'Arabie saoudite, des Emirats arabes unis, de la Russie et des Etats-Unis, ouvertement depuis vendredi. Le second, à l'autonomie "très faible" à l'égard des milices armées tenant Tripoli, selon les Occidentaux qui ont une piètre opinion de ses qualités de dirigeant, est soutenu par le Qatar et la Turquie.
Selon diplomates et experts, l'offensive du maréchal Haftar n'a pas pu être déclenchée sans un feu vert de ses soutiens et la sortie de "l'impasse" actuelle dépendra beaucoup d'eux.
A l'ONU, le Royaume-Uni a remisé son projet de résolution, même si certains pays comme l'Allemagne, qui a exprimé sa "frustration", veulent toujours croire à une adoption la semaine prochaine.
Quel que soit l'avenir de ce texte, l'évolution du jeu diplomatique autour de la Libye apparaît de moins en moins à l'avantage de l'ONU. L'offensive des troupes de l'est a été un véritable "camouflet" pour le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, alors qu'il effectuait une rare visite dans ce pays afin de pousser à la tenue d'une conférence de réconciliation nationale.
Ghassan Salamé, qualifié de "courageux" et "droit" par nombre de diplomates, a été contraint d'annuler dans la précipitation cette conférence.
Cette semaine, il a eu des mots très durs à l'égard du maréchal Haftar, allant jusqu'à qualifier son offensive militaire de "coup d'Etat". Au risque de fragiliser sa position et celle de l'ONU en Libye si l'homme fort de l'est libyen parvient à en prendre le contrôle total.
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