Ingénieur spécialiste en optronique, la technologie alliant optique et électronique, ce Français de 45 ans rentre à peine d'un chantier en Norvège où il a travaillé sur un système d'éclairage sous-marin pour bateaux de croisière. Mais le Marseillais a déjà le regard tourné vers son prochain défi, fin mai début juin, aux confins de l'Afrique: un lac souterrain en plein désert.
"Ce sera plusieurs centaines de mètres sous terre", lâche-t-il en souriant à l'AFP, sans vouloir révéler sa destination exacte.
Le 16 février, il signait un record en plongeant une vingtaine de minutes avec recycleur (qui permet de recycler l'air de la respiration) sous la glace d'un lac des Andes argentines, au-dessus de Mendoza, à 5.870 m d'altitude - et 300 m plus haut que la plongée avec bouteilles de deux Suisses dans un des lacs Gyazumba au Népal, en 2000.
L'objectif initial de Frédéric Swierczynski était encore plus fou, à 6.390 m, au sommet du volcan andin Nevado Ojos del Salado, sur la frontière entre l'Argentine et le Chili. C'est là, à côté du cratère de ce volcan, que se trouve le lac le plus haut de la planète. Mais cette année, la neige et la glace sont revenues trop tôt, malgré l'été austral.
Cet exploit, l'ancien rugbyman l'avait préparé au bord de la Méditerranée, dans le caisson hyperbare de la Comex, entreprise marseillaise spécialiste des travaux en milieux sous-marins extrêmes. Combinaison sèche (totalement étanche), recycleur, masques: le matériel avait passé le test avec succès; en l'espace d'un quart d'heure, Frédéric Swierczynski avait atteint l'altitude de 6.400 m, avant de plonger dans une eau à 3 degrés.
Cette attirance pour les profondeurs et les eaux inaccessibles, il l'a développée peu à peu. Mais la bascule professionnelle a lieu début 2013 avec le décès de son père. C'est la disparition de "Tarzan", talonneur des champions de France béglais 1969, deux fois sélectionné en équipe de France de rugby, qui est "le déclic": "Je me suis juste dit que je voulais aller au bout des choses, les vivre vraiment."
"Des timbrés comme moi"
Les calanques de Marseille deviennent son terrain d'entraînement. Mais aussi les grottes et gouffres dont regorge cette région au bord de la Grande Bleue. Parmi eux, le gouffre de la Mescla dans le Var, où il descend à 267 m de profondeur en août 2016. Le record pour une grotte à multi-siphons.
En 2017, il part explorer d'autres espaces inconnus. Il vise les 300 m de profondeur, dans le lac Rouge en Croatie. Mais la fonte des neiges est insuffisante cette année-là, et il n'est qu'à -240 m quand il atteint le fond. Il est le 3e spéléonaute, ces spéléologues de l'extrême, à atteindre le plancher de ce gouffre.
Prélèvements de sédiments, cartographie sous-marine: ces plongées sont l'occasion d'expériences scientifiques, de mesures ou de découvertes de galeries inexplorées. C'est aussi la résistance de son organisme qui est testée, avec Mathieu Coulange du Phymarex, l'Institut marseillais de physiologie en milieu maritime et en environnement extrême. Autant de données partagées avec l'Institut de recherche biomédicale des armées (Irba) de Toulon.
Intérêt de son aventure dans les Andes par exemple: mesurer la réaction de l'organisme face à deux phénomènes contraires, les conditions hyperbares de la plongée dans un milieu hypobare, en altitude, à moins de 10% d'oxygène. "Je me suis un peu retrouvé comme un spationaute en sortie extra-véhiculaire depuis une station orbitale", explique-t-il.
Dans son bureau, une ancienne serre à orchidées posée dans le jardin d'une immense bâtisse peuplée de startups, Frédéric Swierczynski travaille à son expédition sud-africaine, mais aussi au film de son aventure argentine, dont la sortie est prévue à l'automne pour la prochaine édition du festival international Les Ecrans de l'aventure de Dijon.
C'est là, en 2016, qu'il avait fait la connaissance de Sébastien Devrient, le guide de haute montagne qui l'a accompagné dans les Andes. "Là-bas, je suis tout à coup tombé sur des timbrés comme moi. Je me suis senti un peu plus normal."
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