Une dernière fois avant que la cour ne se retire pour délibérer, le principal accusé, 36 ans, a dit être étranger aux crimes perpétrés par son frère Mohamed Merah: sept assassinats commis l'arme au poing, nourris de la haine des soldats de la République et des juifs, en mars 2012 à Toulouse et Montauban.
A l'heure où le "califat" jihadiste est tombé aux confins orientaux de la Syrie, le procès Merah a ramené à ce moment de basculement où la France est pour la première fois frappée sur son sol depuis les attentats du GIA algérien en 1995.
Un traumatisme intact, palpable dans l'attente douloureuse des familles des victimes, et plus encore dans les mots d'un avocat général appelant à une sanction lourde car le nom de Merah "est brandi encore aujourd'hui comme une fierté par des candidats au jihad".
La défense a vu dans ce "châtiment" requis "une volonté délibérée de rendre la justice au pied du mur de l'exemple" et fustigé un dossier "sans preuves".
"Parfois dans les affaires exceptionnelles, le poison s'invite dans le débat judiciaire: il s'appelle l'opinion publique, la dictature de l'émotion et la France qui vous regarde", a grondé Eric Dupond-Moretti, l'un des avocats d'Abdelkader Merah.
Contre "le mentor", le "sachant", "virtuose de la dissimulation", l'accusation a requis la perpétuité assortie d'une période de sûreté de 22 ans, balayant les doutes de la première instance. En 2017, la cour d'assises avait condamné Abdelkader Merah pour association de malfaiteurs terroriste mais l'avait acquitté du chef de complicité, estimant que rien ne montrait qu'il "connaissait les objectifs visés et les crimes commis par son frère".
"Entre 15 et 20 ans de réclusion" ont été réclamés contre Fettah Malki, délinquant de 36 ans, condamné en premier ressort à 14 ans de réclusion criminelle pour avoir fourni un gilet pare-balles et un pistolet-mitrailleur à Mohamed Merah, en ayant connaissance de sa radicalisation.
"Le courage des juges"
L'enjeu principal du procès fut de déterminer le rôle exact joué par Abdelkader Merah avant les tueries exécutées en solo par son frère, au volant d'un puissant scooter volé, entre le 11 et le 19 mars 2012.
Le jihadiste toulousain, passé sous les radars de l'antiterrorisme, a assassiné trois militaires - Imad Ibn Ziaten, Abel Chennouf et Mohamed Legouad -, un professeur et trois enfants juifs - Jonathan Sandler, ses fils Arié et Gabriel, et Myriam Monsonégo - avant d'être abattu par la police.
Des crimes rendus possibles par une "communauté d'esprit, de projet et d'action" entre les deux frères, pour les représentants du ministère public.
Dans un réquisitoire à deux voix, les magistrats ont repris la chronologie du dossier, de la vantardise du jeune Abdelkader se faisant appeler Ben Laden dans son quartier jusqu'à ce dîner autour d'une pizza avec Mohamed, qui vient de tuer deux militaires à Montauban.
Ils ont raconté les voyages initiatiques au Caire où se retrouve toute la mouvance jihadiste toulousaine, de Sabri Essid, réputé mort en Syrie, aux frères Clain, qui allaient revendiquer les attentats du 13 novembre 2015 à Paris. Un "petit califat" qui prend ses racines dans l'arrière-pays ariégeois, dans la communauté d'Artigat autour d'Olivier Corel, mi-berger, mi-gourou salafiste.
L'accusation présente les frères Merah comme unis par leur idéologie mortifère et qui vont "ensemble" préparer les crimes: voler un scooter, choisir une cible.
"Une fable" pour la défense, qui en a appelé au "courage des juges" pour "appliquer le droit" et sortir de la "ratatouille malsaine" du récit de l'accusation.
Les avocats ont convoqué témoins et enquêteurs pour dire, comme l'a établi l'arrêt de première instance, que Mohamed Merah a toujours été seul au moment des crimes. Dans ce dossier de 117 tomes, nulle trace ADN d'Abdelkader Merah, nul témoin de sa présence au côté de son frère.
Reste l'idéologie, ce salafisme qu'Abdelkader Merah ne renie pas. Mais, a prévenu Me Dupond-Moretti, "si l'on condamne un homme sans preuve, fut-il un islamiste radical de la pire espèce (...), on oublie ce qui distingue la civilisation de la barbarie" et ce sont "les terroristes qui auront gagné".
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