Accusant M. Pompeo de manquer de prudence et de maturité, un haut responsable du ministère nord-coréen des Affaires étrangères a demandé la désignation d'un nouvel interlocuteur américain, faisant monter les enchères en pleine impasse diplomatique.
Après une année 2018 marquée par un spectaculaire rapprochement sur la péninsule coréenne et un sommet historique entre le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un et le président américain Donald Trump, la détente apparaît de plus en plus fragile, dans la foulée du fiasco de la seconde rencontre entre les deux hommes en février à Hanoi.
"Je crains que si M. Pompeo participe encore aux discussions, l'atmosphère sera mauvaise et les discussions vont à nouveau s'engluer", a déclaré le directeur général du département des Affaires américaines au ministère nord-coréen des Affaires étrangères Kwon Jong Gun, selon l'agence KCNA.
"Par conséquent, dans le cas d'une possible reprise du dialogue avec les Etats-Unis, j'espère que notre homologue dans le dialogue ne sera pas M. Pompeo mais (...) une personne qui sera plus attentive et mûre pour communiquer avec nous."
"Gangster"
Ce n'est pas la première fois que le secrétaire d'Etat essuie les foudres nord-coréennes.
Pyongyang l'avait déjà accusé, avec le conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche John Bolton, de porter la responsabilité de l'échec de Hanoi pour avoir "créé une atmosphère d'hostilité et de défiance". L'été dernier, la Corée du Nord Pyongyang avait dénoncé ses "méthodes de gangster".
M. Kwon, qui répondait selon KCNA aux questions d'un de ses journalistes, a rappelé que M. Kim avait clairement indiqué que l'attitude des Américains devait changer.
"Nous ne sommes pas au courant des motifs cachés qui poussent M. Pompeo à se satisfaire de propos irresponsables, si c'est qu'il est incapable de comprendre le sens des mots, ou s'il fait volontairement semblant", a-t-il ajouté.
"Les Etats-Unis ne nous feront pas bouger d'un iota avec cette façon de penser", a-t-il averti.
"Lors de sa dernière visite à Pyongyang, M. Pompeo a eu plusieurs fois une audience avec le président de la commission des affaires de l'Etat et plaidé pour la dénucléarisation", a-t-il dit.
"Cependant, (...) il a tenu des propos irresponsables blessant la dignité de notre direction suprême lors d'auditions devant le Congrès la semaine dernière, révélant lui-même son caractère vil, laissant les personnes raisonnables abadourdies".
"Tyran"
La semaine dernière, un sénateur américain a démandé au chef de la diplomatie américaine, qui s'est rendu quatre fois l'année dernière à Pyongyang, si le qualificatif de "tyran" s'appliquait à M. Kim.
"Bien sûr. Je suis sûr que j'ai déjà dit cela", a répondu Mike Pompeo.
Toute critique personnelle de Kim Jong Un est extrêmement mal vue dans un pays où la dynastie des Kim est l'objet d'un culte de la personnalité absolu.
Et depuis le début du processus diplomatique l'an passé Pyongyang a toujours préféré traiter directement avec M. Trump, qui présente M. Kim comme son "ami" et n'évoque presque plus jamais les violations massives des droits de l'Homme imputées au régime nord-coréen.
L'extraordinaire charge de Pyonyang contre M. Pompeo intervient quelques heures après que KCNA eut rapporté que M. Kim avait supervisé l'essai d'une nouvelle "arme tactique guidée" avec une "puissante ogive", contribuant aux doutes quant au processus diplomatique.
Cet essai a permis de vérifier le fonctionnement du "système particulier de guidage en vol et le chargement d'une puissante ogive", a affirmé KCNA.
Kim Jong Un a qualifié ce test d'"événement d'une très grande importance pour accroître la puissance de combat de l'Armée populaire" nord-coréenne, selon la même source.
C'est la deuxième fois que le Nord affirme avoir procédé à un essai d'arme depuis le début de ses négociations avec les Etats-Unis sur ses programmes balistique et nucléaire.
Pyongyang avait déjà annoncé, en novembre, le test d'une "nouvelle arme tactique de haute technologie" dont elle n'avait pas précisé la nature.
Séoul n'a rien détecté
La Corée du Sud n'a rien détecté sur ses radars, a indiqué à l'AFP un responsable militaire, jugeant improbable qu'un missile ait été tiré.
La présidence sud-coréenne a affirmé n'avoir aucun commentaire. Des responsables du Pentagone ont également refusé de s'exprimer sur cette annonce tandis que le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères Lu Kang s'est abstenu de condamner cet essai présumé.
Ankit Panda, analyste spécialisé dans les questions nord-coréennes, a cependant estimé que la "description de ce qui a été testé fait penser à un missile".
"Mais il peut s'agir de n'importe quoi, depuis un petit missile antichar téléguidé jusqu'à un missile sol-air, en passant par un système de roquettes d'artillerie".
Le Centre des études stratégiques et internationales (CSIS), basé à Washington, a de son côté fait état mercredi de signes d'activité sur le complexe de Yongbyon, principal site nucléaire nord-coréen, laissant penser que Pyongyang pourrait avoir repris des opérations de retraitement de matières radioactives à des fins militaires.
"Kim tente de faire savoir au gouvernement de Trump que son potentiel militaire grandit jour après jour", a expliqué l'analyste Jarry Kazianis, du Center for the National Interest.
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