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Soudan: le pouvoir militaire fait de nouveaux gestes, la contestation se poursuit

Les militaires au pouvoir au Soudan ont fait de nouveaux gestes pour tenter d'apaiser la contestation,transférant en prison le président déchu Omar el-Béchir et limogeant le Procureur général, une des exigences des manifestants qui maintiennent toutefois la pression mercredi.

Soudan: le pouvoir militaire fait de nouveaux gestes, la contestation se poursuit
Des manifestants soudanais autour du QG de l'armée, à Khartoum, le 17 avril 2019 - Ashraf SHAZLY [AFP]

Le chef du Conseil militaire, "le général Abdel Fattah al-Burhane, a émis un décret limogeant le Procureur général Omer Ahmed Mohamed", a annoncé mardi le Conseil de transition au pouvoir depuis la destitution de M. Béchir le 11 avril.

Mercredi, un proche de l'ex chef de l'Etat a par ailleurs indiqué à l'AFP que le président déchu, jusque-là détenu dans un lieu inconnu, avait été transféré dans la nuit dans une prison du nord de Khartoum.

Devant le QG de l'armée dans la capitale, des milliers de personnes sont toutefois toujours présentes mercredi, comme depuis le 6 avril, dans le prolongement de la contestation qui agite le pays depuis décembre. Au moins 65 personnes sont mortes depuis le début de cette contestation, selon un bilan officiel.

Les demandes initiales de départ du président Béchir ont évolué en exigence de dissolution du Conseil militaire de transition qui lui a succédé, avec l'instauration d'un pouvoir civil.

"Nous avons fait face aux gaz lacrymogènes, beaucoup d'entre nous ont été emprisonnés. On nous a tiré dessus et beaucoup ont été tués. Tout cela parce que nous avons dit ce qu'on voulait", a déclaré mercredi à l'AFP une manifestante, Fadia Khalaf.

Les leaders du mouvement soulignent que la "révolution" n'a pas encore atteint ses objectifs. "Oui, nous avons renversé le dictateur, mais ses lois sont encore en place", a souligné dans un communiqué l'Alliance pour la liberté et le changement (ALC), qui regroupe plusieurs formations parties prenantes de la contestation.

"Il n'y a pas de raison de se réjouir maintenant (...). Nous n'en sommes pas à la victoire", ont ajouté les chefs de file de la contestation en demandant aux participants au sit-in de rester mobilisés.

"Nous restons sur place"

Le climat avec l'armée s'est tendu parallèlement au durcissement des revendications des contestataires en faveur d'un gouvernement civil.

Lundi, l'Association des professionnels soudanais (SPA), fer de lance du mouvement et membre de l'ALC, a dénoncé une tentative de dispersion du sit-in, sans toutefois en identifier les auteurs.

Mardi, des témoins ont fait état de véhicules avec des paramilitaires déployés sur un pont reliant Khartoum à la zone du sit-in.

"On a peur qu'on nous vole notre révolution, c'est pourquoi nous restons sur place, et nous ne partirons pas avant d'obtenir satisfaction à nos demandes", a ajouté la manifestante interrogée par l'AFP, Fadia Khalaf.

Lundi, la SPA a exigé que le Conseil militaire soit dissout et remplacé par un conseil civil, comprenant aussi des représentants de l'armée. Elle en a fait une condition à une éventuelle participation à un futur gouvernement de transition.

Et les manifestants semblaient déterminés mercredi à rester devant le QG de l'armée, en dépit de la chaleur brûlante.

"Nous en souffrons, mais quand je pense à ceux qui ont été tués dans la contestation, cela me donne de l'énergie pour continuer", a expliqué Ossama Hussein, s'affairant à nettoyer autour de lui.

Une femme servant le thé a affirmé être venu à quatre reprises ces derniers jours: "je sens que ces personnes qui observent le sit-in sont comme mes enfants. J'ai souffert sous le régime (...) Cette révolution est pour moi".

Samedi, le général Abdel Fattah Buhrane a promis "d'éliminer les racines" du régime d'Omar el-Béchir. Le Conseil militaire qu'il dirige compte toutefois parmi ses dix membres des piliers du régime sortant.

Ultimatum de l'Union africaine

Concernant le sort d'Omar el-Béchir, visé par des mandats d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) pour "crimes de guerre" et "crimes contre l'humanité" puis pour "génocide" au Darfour, le pouvoir militaire a d'abord affirmé qu'il refuserait de l'extrader.

Lundi, par la voix du général Jalaluddine Cheikh, il a néanmoins indiqué que la décision serait "prise par un gouvernement populaire élu et non par le Conseil militaire".

Sur le plan diplomatique, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a nommé mardi un émissaire pour le Soudan, l'avocat sud-africain Nicholas Haysom, afin d'aider l'Union africaine (UA) à conduire une médiation.

L'UA a menacé lundi de suspendre le Soudan si l'armée ne quittait pas le pouvoir au profit d'une "autorité politique civile" d'ici 15 jours.

La cheffe de la diplomatie de l'UE Federica Mogherini a dit espérer que la transition porterait au pouvoir "un gouvernement civil". Londres a apporté son soutien "à l'appel de l'UA".

Les Etats-Unis ont indiqué être prêts à retirer le Soudan de leur liste des pays accusés de soutenir le "terrorisme" si le Conseil militaire engageait un "changement fondamental" de gouvernance, selon un responsable du Département d'Etat faisant état de discussions avec Khartoum.

Il a aussi précisé que Washington avait poussé le Conseil militaire à "agir rapidement" pour inclure des civils dans un gouvernement provisoire et organiser des élections.

En Arabie saoudite, le roi Salmane a accueilli mardi le prince héritier d'Abou Dhabi, ont annoncé les médias saoudiens, après le soutien accordé par ces deux alliés aux militaires soudanais. Le Soudan est d'une grande importance stratégique pour ces deux puissances du Golfe.

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