Vingt ans après leur dernière victoire aux législatives - c'était en 1999 - les sociaux-démocrate ne devancent que d'une (très) courte tête leur dauphin populiste, dans un contexte de montée des partis nationalistes en Europe à un mois des élections européennes.
Seulement 0,2 point sépare les deux partis au terme d'une soirée électorale à suspens. "Le plus grand thriller électoral de tous les temps", résumait lundi le journal Ilta-Sanomat.
Conduits par l'ancien ministre des Finances Antti Rinne, les sociaux-démocrates obtiennent 40 sièges sur 200 au Parlement et les Vrais Finlandais 39, selon les résultats définitifs.
Les deux partis ont disputé une "course serrée", selon l'expression du quotidien Helsingin Sanomat.
La situation risque toutefois de compliquer les tractations politiques à venir, estime la chroniqueuse politique Sini Korpinen : "tout ce que nous savons, c'est que les négociations vont être très difficiles". "La coalition conduite par M. Rinne devrait tenir les Vrais Finlandais à l'écart" au profit d'une grande coalition qu'elle juge "inefficace".
"Grande coalition" à prévoir
La Finlande a un scrutin proportionnel et une culture politique du consensus qui portent au pouvoir des coalitions hétéroclites.
Antti Rinne "a été très clair sur l'existence d'énormes différences idéologiques entre les sociaux-démocrates et les Vrais Finlandais", explique la journaliste Jeanette Björkqvist à la télévision publique Yle, qui juge "impensable" la présence des nationalistes au côté de M. Rinne.
Pour Mme Korpinen, la politique finlandaise se dirige plutôt vers une "grande coalition" gauche-droite, composée des sociaux-démocrates, du Parti de la coalition nationale (38 sièges), mais aussi des Verts (20 sièges), de l'Alliance de gauche (16 sièges) et du parti populaire suédois (libéraux, 9 sièges).
Le pays nordique ferait cependant face, selon la chroniqueuse, à une situation similaire à celle connue entre 2011 et 2014 sous la houlette de Jyrki Katainen (conservateur).
Alors chef d'une coalition gauche-droite qui est montée jusqu'à six partis, M. Katainen a été désavoué en 2014 par son absence de résultats due à un important nombre de partis hétéroclite au pouvoir.
Quid du Parti du centre du Premier ministre sortant Juha Sipilä, plus grand perdant de la soirée de l'aveu même de son leader et relégué à la quatrième place? "Je ne pense pas que le Parti du centre fera partie du gouvernement", estime Mme Korpinen.
Durant la campagne, M. Rinne s'est engagé avec ferveur contre les mesures de rigueur de Juha Sipilä.
Les ambitions des Vrais Finlandais
A l'issue du scrutin, le chef de file des Vrais Finlandais Jussi Halla-aho s'est toutefois dit ouvert à une coalition "mais pas à n'importe quel prix".
Hors de question pour le responsable politique de répéter les erreurs commises par son parti en 2015, lorsque le parti eurosceptique était au pouvoir. "Nous étions flexibles sur de mauvaises choses", a-t-il déclaré.
En 2017, les Vrais Finlandais ont implosé et quitté le gouvernement: une majorité de leurs députés ont fondé Nouvelle Alternative (rebaptisée Réforme bleue par la suite), parti qui est resté au pouvoir, les autres se ralliant à son nouveau président M. Halla-aho.
"Je ne pense pas qu'il soit possible que les Vrais Finlandais prennent part à un gouvernement qui ne s'engage pas clairement à réduire l'immigration", a-t-il déclaré lundi matin au journal Helsingin Sanomat.
Une position qui va à l'encontre de l'engagement pris par les sociaux-démocrates de faciliter l'accueil et le regroupement familial des réfugiés en Finlande.
Bien que M. Rinne, qui a d'ores et déjà assuré vouloir former un gouvernement "avant fin mai", estime "peu probable" une collaboration avec les Vrais Finlandais, il n'en écartait pas dimanche la possibilité, affirmant qu'il avait "des questions" à poser au parti.
De son côté, M. Halla-aho se verrait bien occuper le poste de ministre de l'Intérieur, en charge de l'immigration, le cas échéant.
"Il est évident qu'ils ont peur de perdre des électeurs à cause de nous", a-t-il indiqué à Helsingin Sanomat. "Ce serait étrange qu'ils ne tiennent pas compte [des Vrais Finlandais] d'une manière ou d'une autre".
Pour Göran Djupsund, professeur en Sciences politiques à l'Université de Turku, cette montée du populisme fragmente et affaiblit un peu plus les systèmes politiques en Europe.
"Un paysage politique fragmenté rend plus difficile la formation d'un gouvernement et les pays deviennent plus difficiles à diriger. Lorsque les populistes gagnent, l'UE devient aussi plus difficile à gouverner", a-t-il déclaré à Yle.
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