Depuis que l'opposant s'est autoproclamé président par intérim le 23 janvier - reconnu depuis par une cinquantaine de pays - l'image est devenue familière: Juan Guaido, 35 ans, sillonne le Venezuela d'estrade en estrade, micro en main, pour dénoncer l'"illégitimité" du deuxième mandat de Nicolas Maduro après des élections considérées comme frauduleuses par l'opposition.
Pour le contrecarrer, le pouvoir, qui y voit une tentative de coup d'Etat orchestrée avec le soutien des Etats-Unis, a déployé tout son arsenal juridique. L'immunité parlementaire de l'opposant a été levée, il a été déclaré inéligible pour 15 ans et son bras droit Roberto Marrero a été arrêté, accusé de "terrorisme".
A cela s'ajoutent les embûches logistiques lors de ses apparitions publiques. L'équipe de Juan Guaido a été forcée de réduire la voilure. "Les tribunes, les grands moyens, c'est terminé", résume auprès de l'AFP un proche de l'opposant qui souhaite conserver l'anonymat.
Il y a dix jours, le député de centre-droit est ainsi apparu lors d'un meeting à Caracas juché sur une petite scène avec un dispositif audio de fortune. "Ils ont saisi notre sono en pensant nous intimider. Ils ont envoyé des gardes et des motos en pensant nous faire peur. Ca suffit!", a-t-il protesté.
Le lendemain, l'ONG de défense des droits de l'Homme Foro Penal a indiqué que le chauffeur d'un camion et trois techniciens engagés pour l'occasion avaient été brièvement arrêtés pour entrave à la circulation, troubles à l'ordre public et association de malfaiteurs.
"Cela a suscité de la peur. Nous rencontrons des problèmes pour trouver des prestataires et Juan Guaido essaie d'éviter que leur sécurité ne soit compromise", explique le proche de l'opposant.
Samedi encore, lors d'un déplacement dans l'Etat de Zulia (ouest), l'entourage de Juan Guaido s'est fait l'écho auprès de journalistes des obstacles posés par le gouvernement. "Ils ont multiplié les barrages et mobilisé les populations indigènes pour nous barrer la route", ont indiqué des collaborateurs, "mais toutes les réunions ont eu lieu".
Le spectre de l'arrestation
En mars, le fisc a fait fermer pendant près d'un mois un hôtel de Caracas doté d'un groupe électrogène où s'étaient réfugiés Juan Guaido et son équipe pour continuer à travailler pendant que la méga-panne de courant plongeait le Venezuela dans le noir.
"L'ambiance était trouble, nous avons senti que nous devions partir. Deux ou trois heures après notre départ, on nous a dit que le Sebin (les services de renseignement, ndlr) était passé" à l'hôtel, raconte un membre de l'entourage de Juan Guaido.
Le gouvernement affirme que cette fermeture temporaire n'a rien à voir avec la présence de l'opposant. Selon Diosdado Cabello, numéro deux du pouvoir, l'hôtel n'avait pas de comptabilité digne de ce nom et n'était pas en règle avec le fisc.
Quelque temps après, même scénario pour un hôtel situé dans l'Etat d'Anzoategui (nord-est).
Les partisans de Juan Guaido, qui n'a de cesse de dénoncer l'"incurie" du pouvoir face à la grave crise économique qui frappe le pays, craignent l'arrestation prochaine de leur champion.
La levée de son immunité parlementaire par la Cour suprême, considérée comme acquise au pouvoir, permet la poursuite de la procédure pénale lancée à son encontre pour "usurpation" de la fonction présidentielle.
Mais l'éventuel placement en détention de Juan Guaido pourrait provoquer un imprévisible mouvement de protestation et une très forte réaction de Washington, son plus fervent soutien, qui a plusieurs fois mis en garde le gouvernement contre "toute menace" sur l'intégrité physique de l'opposant.
"Si Juan Guaido est arrêté, le gouvernement prend le risque que davantage de pays exercent une pression" sur lui, note le politologue Carlos Romero.
"Les Etats-Unis pourraient décréter un embargo maritime sur les exportations et les importations vénézuéliennes. Ils pourraient aussi mettre en place un +sanctuaire+ à la frontière avec le Venezuela, d'où une intervention militaire pourrait être lancée", prévient-il.
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