"Le racisme existe dans les stades en France, mais on ne peut pas mettre la situation sur le même plan que dans des pays de l'Est ou en Italie", considère le sociologue du supporterisme Nicolas Hourcade, professeur à l'école Centrale de Lyon, interrogé par l'AFP.
"A Dijon, on a vu que c'était le fait d'un supporter isolé qui a pu être identifié et arrêté. Dans d'autres pays, il y a des manifestations collectives où toute une tribune ou une bonne partie peut pousser des cris de singe et lancer des slogans racistes", explique-t-il.
Vendredi soir, après 77 minutes de jeu, le défenseur et capitaine d'Amiens Prince Gouano, visé par les cris racistes, a commencé à quitter le terrain en lançant vers son banc de touche: "C'est fini on ne joue plus, je ramène mes coéquipiers, on rentre dans le vestiaire".
Solidaires, les joueurs se sont arrêtés et certains, dont Gouano sont allés échanger avec les supporters. L'arbitre Karim Abed a également demandé au speaker du stade de faire "bien passer le message, que si ça se reproduit, on arrête".
'Cris répugnants'
La Ligue de football (LFP) a annoncé des suites judiciaires et Dijon son intention de porter plainte.
"Ces cris répugnants sont contraires aux valeurs transmises par le sport. Ils insultent notre République. Je salue la réaction rapide de la LFP: la racisme n'aura jamais sa place en France", a réagi le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner.
L'interruption des matches est régulièrement réclamée par des figures de la lutte contre les discriminations comme l'ancien international français Lilian Thuram.
Il l'avait dit à l'AFP en janvier 2018 après des insultes racistes proférées à l'encontre de Blaise Matuidi lors de la rencontre de championnat italien Cagliari-Juventus.
"On n'aborde pas le sujet du racisme comme on devrait le faire. Pourquoi l'arbitre n'a pas arrêté le match, pourquoi les joueurs de couleur blanche ne sortent pas du terrain quand Matuidi se fait insulter ?", avait souligné l'ancien défenseur de France-98.
"S'il n'y a pas de questionnement sur le sujet, ce sera la même chose dans 20 ans", prévenait-il.
L'Italie justement et Cagliari où Blaise Matuidi, à nouveau, et son coéquipier de la Juventus Turin Moise Kean ont été la cible de cris de singe le 2 avril dernier.
L'Italie, un cas à part ?
Au lieu de dénoncer les agissements de leurs supporters, des dirigeants de Cagliari ont préféré stigmatiser la célébration de but de Moise Kean, immobile, silencieux et les bras écartés devant la tribune hostile.
Même Leonardo Bonucci, propre coéquipier de Kean à la Juventus, a estimé que "la faute" était "partagée à 50-50", avant de concéder qu'il avait parlé trop vite et de condamner "toute forme de racisme".
Pour le sociologue Nicolas Hourcade, "l'Italie est un cas à part pour deux raisons: son histoire politique avec la prégnance de l'extrême droite et l'organisation de certains groupes de supporters ouvertement fascistes qui peuvent être présents en tribunes".
Mais en Angleterre aussi, de nombreux incidents ont eu lieu ces derniers jours aussi bien dans les grands clubs que dans les divisions inférieures.
La veille de Dijon-Amiens, les équipes anglaises de Liverpool et Chelsea ont condamné le chant de plusieurs supporters qui qualifient la superstar égyptienne des Reds, Mohamed Salah, de "poseur de bombes".
Arsenal a pour sa part ouvert une enquête afin d'identifier le supporter qui, dans une vidéo, tient des propos racistes envers le défenseur franco-sénégalais de Naples Kalidou Koulibaly pendant leur quart de finale aller de Ligue Europa.
En décembre, l'attaquant de Manchester City Raheem Sterling avait été la cible d'insultes à Chelsea tandis qu'un supporter de Tottenham avait jeté une peau de banane en direction du Gabonais d'Arsenal Pierre-Emerick Aubameyang.
L'un des grands enjeux dans les stades, c'est "d'identifier les auteurs de ces actes pour pouvoir les sanctionner, c'est parfois très difficile. Cela demande la vigilance des stadiers" et de tous les acteurs du foot, insiste encore le spécialiste Nicolas Hourcade.
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