Les 1.742 clubs français ont infligé de mardi à jeudi, période de consultation électronique à raison d'une voix par club, un double désaveu à Laporte: à 59%, ils ont barré la route aux "cinq meilleurs entraîneurs du monde" que l'ancien sélectionneur (1999-2007) avait rencontrés, et n'ont participé qu'à moitié (51%) au premier scrutin garant de la "démocratie directe" qu'il proclame avoir installée.
Entraîneurs et joueurs du Top 14, parfois accusé de privilégier les stars étrangères au détriment des jeunes joueurs français, sont tout autant divisés sur la question, sur la forme que sur le fond.
. Garant de l'identité...
"C'est compliqué de répondre", estime ainsi Mauricio Reggiardo, l'entraîneur argentin d'Agen qui préfère avoir un "consultant étranger" plutôt qu'un sélectionneur. "L'entraîneur principal, le référent, il doit bien sûr être français pour garder l'identité."
Même chose pour Christophe Urios, le directeur sportif de Castres qui semblait être le candidat idéal avant de s'engager avec Bordeaux-Bègles. "J'ai toujours dit que j'aimais le rugby des territoires et donc avec un homme du territoire pour entraîner. Je suis favorable à un sélectionneur français et contre le fait de prendre un étranger."
Même son adjoint Joe El-Abd, un Anglais parfaitement francophone, se place du côté des conservateurs. "Ca me fait un peu bizarre, j'aime bien la tradition française qui veut que ce soit un entraîneur français." Pour Urios, "Ce n'est pas la bonne solution et c'est déplacer le problème."
... ou d'un regard neuf
Le problème, c'est un XV de France qui s'enlise depuis bientôt une décennie, quel que soit le sélectionneur. Or, les voisins britanniques ont fait un bond en avant en recrutant des techniciens néo-zélandais (Joe Schmidt avec l'Irlande, Warren Gatland au pays de Galles) et australien (Eddie Jones en Angleterre). "Ça a plutôt porté ses fruits", reconnaît le pilier de Castres Antoine Tichit.
"Je préférerais un entraîneur français. Mais on sait que les entraîneurs étrangers avec une culture différente peuvent beaucoup nous apporter", dit le Palois Marvin Lestremau, entraîné par le Néo-Zélandais Simon Mannix.
"Ils ont une autre façon de travailler. Ce n'est pas du tout la même que nous. Et pour moi, nous devons, nous les joueurs français, basculer dans cette culture avec un autre volume de travail, une autre exigence", développe le jeune (22 ans) ailier.
Quand il était entraîneur des avants de l'Argentine (2008-2013), Reggiardo a vu passer deux consultants notoires, un Néo-Zélandais et un Français. "Quand on a eu Graham Henry, il avait 200 sélections comme coach. Quand tu prépares un match, quand tu vas en tournée, le mec il te guide. (...) Fabien Galthié nous aidait aux entraînements, il participait, mais il ne décidait pas des mecs qu'on sélectionnait ou pas, ni des mecs qui jouaient ou pas. Mais dans la stratégie et pour préparer les matches, il nous avait fait un bien énorme pendant deux ans."
. Un faux problème ?
Plus que la barrière de la langue - "ce n'est pas un problème pour moi", dit Reggiardo -, qui a pu jouer sur le résultat de la consultation, c'est le périmètre du poste qui aurait pu poser problème à un sélectionneur étranger. "Aujourd'hui, l'entraîneur de l'équipe de France ne maîtrise pas tout. Il ne fait ce qu'il veut comme les entraîneurs des sélections nationales dans les autres pays qui ont notamment les joueurs beaucoup plus souvent à disposition", estime le troisième ligne d'Agen Yoan Tanga en pensant à l'Irlande ou la Nouvelle-Zélande. "Si c'est pour faire venir un entraîneur étranger et qu'au final il ne puisse pas faire ce qu'il veut, ça ne sert à rien."
"Je m'en fous que le sélectionneur de mon équipe nationale soit Français, australien ou anglais si c'est la meilleure personne pour le job", s'énerve Luke Narraway, entraîneur anglais des avants de Bordeaux-Bègles. Les clubs amateurs en ont décidé autrement.
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