Inès Madani était à peine sortie de l'adolescence quand elle a été arrêtée en septembre 2016 un couteau à la main, après avoir tenté d'enflammer une Peugeot 607 remplie de six bonbonnes de gaz devant la cathédrale Notre-Dame à Paris. Pour cet attentat raté, elle comparaîtra aux assises du 23 septembre au 11 octobre.
Jeudi, elle a répondu aux questions de la 16ème chambre du tribunal correctionnel de Paris. Elle est accusée d'avoir incité des candidats au jihad à rejoindre la Syrie ou à commettre des attaques en France et en Belgique, entre mars 2015 et juin 2016.
Les échanges se faisaient sur les réseaux sociaux Facebook ou Telegram, voire par téléphone, mais jamais physiquement. Et pour cause: Inès Madani se dissimulait sous des noms de combattants, comme Abou Omar et surtout Abou Souleyman. Ce dernier était censé revenir de Raqqa pour commettre un attentat en France. Au téléphone, elle modifiait sa voix pour passer pour un homme.
"Si j'avais eu un compte (Facebook) de femme, je n'aurais pas pu parler avec les hommes, alors qu'un nom de combattant de l'EI me permettait de parler aux hommes et aux femmes", explique la prévenue.
Mais elle n'agissait pas seule. La jeune femme originaire de Tremblay-en-France (Seine-Saint-Denis) jouait le rôle d'intermédiaire entre un jihadiste influent du groupe Etat islamique (EI), Oumar Diaw surnommé Abou Barrou, et les aspirants jihadistes d'une cellule franco-belge.
"J'étais flattée qu'il s'intéresse à moi. C'était un combattant de l'EI, quelqu'un de courageux", explique-t-elle au tribunal. "D'abord, Abou Barrou m'a donné confiance et ensuite, il m'a donné des instructions", raconte-t-elle. "Le mieux, c'était que les hommes fassent des attaques en France et que les femmes aillent en Syrie".
Dans une lettre, elle appelle à "viser un endroit ou ya bocoup de monde (...) les endroits pervers beaucoup fréquentés par les kuffars (mécréants, ndlr) dégueulasses". "C'est moi qui ai écrit la lettre, mais c'était les mots d'Abou Barrou", se défend la prévenue.
"Vous avez pris du grade. Vous êtes devenue quelqu'un d'important", lui dit la présidente Isabelle Prévost-Desprez.
Emprise
Alors qu'elle avait opposé son droit au silence aux enquêteurs, elle décrit au tribunal en détail le rôle qu'elle jouait. Elle raconte son adolescence, "le vide" dans sa vie, ainsi que les conflits avec ses parents.
Inès Madani est la quatrième d'une fratrie de cinq filles. Inscrite en bac pro comptabilité, elle a arrêté ses études en seconde. "Passer la journée derrière un ordinateur, ça ne me plaisait pas du tout", explique-t-elle. En 2015, elle s'est inscrite dans un institut à Saint-Denis pour apprendre l'arabe, mais là encore a rapidement abandonné.
Inès Madani se serait radicalisée au contact d'une voisine, dont elle gardait bénévolement l'enfant. "Je l'admirais. A ce moment-là, je ne m'en rendais pas compte, mais oui, j'étais sous son emprise", admet-elle. Cette femme l'a mise en contact avec Abou Barrou, avant de partir pour la Syrie.
En janvier 2016, Inès Madani a été interdite de sortie du territoire français. Elle portait le jilbab, mais reconnaît qu'elle buvait de l'alcool et fumait du cannabis.
La jeune femme, qui est détenue à l'isolement, fait des séjours réguliers en hôpital psychiatrique. Dans ce procès, qui se poursuit vendredi, elle encourt dix ans de prison.
Cependant, il sera à nouveau question d'Abu Souleyman aux assises à l'automne. C'est sous ce pseudonyme qu'elle a réussi à séduire Ornella Gilligmann, la jeune femme qui a organisé avec elle la tentative d'attentat près de Notre-Dame.
Comme tous les autres interlocuteurs d'Inès Madani, c'est seulement devant le juge d'instruction que celle-ci a réalisé qu'Abou Souleymane n'existait pas.
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