L'électricien a aussitôt reconnu que ces recommandations "pourraient" se traduire par de nouveaux retards et surcoûts de l'European Pressurised Reactor ou EPR.
EDF avait annoncé il y a un an des "écarts de qualité" sur des soudures du réacteur nucléaire en construction dans la Manche, en Normandie, dont le démarrage est officiellement prévu fin 2019. Ces soudures se situent au niveau des tuyauteries du circuit secondaire principal, qui relient le générateur de vapeur et la turbine qui produit l'électricité.
Parmi elles figurent huit soudures difficilement accessibles, situées dans la traversée de l'enceinte de confinement - la grosse structure de béton qui doit retenir les éléments radioactifs en cas d'accident.
EDF avait proposé de les laisser en l'état, en prouvant avec des essais qu'elles ne posaient pas de problème de sûreté, et de renforcer les contrôles pendant le fonctionnement du réacteur. L'électricien aurait ainsi évité des travaux complexes, potentiellement longs et coûteux.
Toutefois, cette possibilité a été rejetée cette semaine par le groupe permanent d'experts pour les équipements sous pression nucléaire (GP ESPN) de l'ASN.
Ces experts jugent que la première option pour EDF est de "réparer ces huit soudures pour les mettre en conformité", indique l'ASN dans une note d'information publiée jeudi.
La seconde option consiste à "renoncer à la démarche d'exclusion de rupture les concernant en apportant des modifications au réacteur permettant de prendre en compte de telles ruptures dans sa démonstration de sûreté".
Cette démarche dite d'"exclusion de rupture" consiste à estimer que le matériel atteint un niveau de qualité tel qu'une rupture peut être exclue par principe. Mais en renonçant à ce principe, EDF devrait engager des travaux complexes pour améliorer les systèmes de sûreté de son réacteur.
L'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) a aussi publié jeudi un avis allant dans le même sens que le groupe d'experts. Il a "conclu qu'EDF devrait, plutôt que rechercher à justifier une acceptabilité en l'état, procéder à la remise en conformité des soudures concernées".
Sur la base de ces avis, l'ASN doit désormais prendre prochainement sa décision sur ce dossier sensible.
Calendrier
"Dès lors que le groupe permanent (d'experts) conforte l'opinion, que l'on avait déjà en fin d'année dernière, que la justification d'un maintien en l'état serait difficile, je pense qu'on devrait être en mesure de prendre position prochainement sur ce sujet", a indiqué à l'AFP Julien Collet, directeur général adjoint de l'ASN.
"Il faut qu'EDF regarde en détail les différentes options industrielles qui se présentent à lui et nous fasse des propositions. Aujourd'hui, je ne sais pas dire les conséquences en termes de calendrier sur le projet", a-t-il ajouté.
Le chantier de l'EPR risque fort désormais de connaître de nouveaux retards.
Le président de l'ASN Bernard Doroszczuk avait estimé fin janvier que si les huit soudures devaient être reprises, "le délai aujourd'hui envisagé par EDF pour la mise en service de l'EPR ne pourrait pas être respecté".
"Les recommandations formulées et les pistes de solution suggérées par le groupe permanent (d'experts) pourraient impacter le calendrier de mise en service et le coût de construction", a indiqué EDF jeudi dans un communiqué. Le groupe fournira un point précis une fois publié l'avis de l'ASN.
Le chargement du combustible nucléaire est pour l'instant officiellement prévu fin 2019 pour une enveloppe de 10,9 milliards d'euros. Le calendrier et les coûts ont déjà dérapé à de multiples reprises.
Un retard important compliquerait aussi la prise de décision du gouvernement, qui veut disposer d'ici la mi-2021 des informations nécessaires pour se décider à construire éventuellement de nouveaux EPR en France.
"C'est la sagesse d'attendre que Flamanville ait fait la preuve de son fonctionnement avant d'engager des décisions", affirmait en janvier le ministre de l'Économie Bruno Le Maire.
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