"Coeur de réacteur" du plus grand parquet d'Europe, cette section "P12" gère 80% des gardes à vue de majeurs à Paris. Sur le plateau de permanence téléphonique, trois substituts épaulés d'un greffier traitent tous les appels d'enquêteurs - 78.000 par an -, casque vissé sur la tête et regard rivé sur deux écrans de 9H à 19H.
Les policiers joignent la permanence pour chaque nouvelle affaire et chacun de ses développements.
En quelques minutes, l'un des permanenciers aura décidé d'une prolongation de garde à vue pour une conduite sans permis, ordonné le déferrement pour vol à l'étalage d'un homme déjà connu pour les mêmes faits et enregistré un nouveau dossier de violences.
Même célérité pour les déferrements où il faut aussi "gérer le flux", souligne Benjamin Chambre, chef de "P12", qui compte au total treize magistrats et 36 greffiers. Au petit matin, 37 dossiers pour 50 personnes à déférer s'empilent dans le service.
Après une nuit au dépôt, les suspects sont escortés menottés jusqu'aux cellules du "satellite d'attente gardée", d'où ils patientent pour voir un avocat, l'enquêteur de personnalité ou le procureur devant lui notifier les poursuites avant le début d'après-midi.
Le greffier de poste au "bureau de la mort", ainsi nommé à "P12" pour sa charge de travail et ses lourdes responsabilités, doit s'assurer que le délai légal de 20 heures entre la levée d'une garde à vue et la présentation à un magistrat n'a pas expiré. "S'ils se trompent dans le délai, la personne est relâchée", pointe M. Chambre.
"Première ligne"
Badge à portée de main, le chef de section s'installe dans un box pour proposer une peine négociée à un délinquant routier récidiviste dans le cadre d'un "plaider-coupable".
A un autre suspect déféré pour outrage, qui espère être à l'heure au mariage de son frère l'après-midi même, il remet une convocation devant le tribunal à date ultérieure. Il signifie à un troisième dont il ne croit pas la prétendue minorité qu'il sera jugé dans la journée par "le tribunal des grands".
Aucun de ces entretiens n'aura duré plus de cinq minutes.
"Le déferrement pour une comparution immédiate, c'est très procédural. On est juste là pour informer qu'on reproche telle infraction, on n'aborde pas les faits", explique la substitut Morgane Couchet, 31 ans.
Après avoir "déféré huit dossiers", elle représentera le parquet lors de l'une des deux audiences quotidiennes de comparutions immédiates, qui s'achèvent régulièrement en pleine nuit.
Cette cadence s'est encore aggravée depuis le début du mouvement des "gilets jaunes" qui a entraîné des interpellations massives, relançant chez les détracteurs de la procédure de comparution immédiate les critiques d'une justice "d'abattage" ne prenant pas le temps d'une individualisation des peines.
Depuis le 17 novembre, la section "P12" a recensé 2.248 gardes à vue de majeurs à Paris, avec un "record" à plus de 900 le weekend du 8 décembre. Parmi eux, 1.099 ont fait l'objet d'un déferrement et 413 ont été renvoyés en comparution immédiate.
"900 gardes à vue, c'était du jamais vu et je ne peux pas prétendre qu'on a été parfaitement éclairé sur toutes les procédures", convient Benjamin Chambre. Ce weekend là, 11 magistrats - sur les 135 que compte le parquet de Paris - sont venus en renfort de leurs collègues pour répondre au téléphone et gérer les déferrements.
A l'heure d'une volonté de la Chancellerie de remettre à plat les services de traitement en temps réel (TTR) et d'une réorganisation à Paris avec la création du parquet national antiterroriste, il est pour M. Chambre indispensable de maintenir "un TTR encore vivable", malgré le "rythme très soutenu" de cette section toujours "en première ligne".
Les jeunes magistrats affectés à la permanence des flagrants délits restent généralement deux ans, avant de rejoindre les sections d'élite, l'antiterrorisme ou le crime organisé, indique-t-il.
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