"Je reste très prudent mais je vois mal comment la justice après deux décisions favorables pourrait revenir en arrière", déclare à l'AFP M. François, fustigeant la "stratégie d'épuisement de l'adversaire" adoptée par Monsanto.
Paul François, céréalier de Charente, avait été intoxiqué en avril 2004 après avoir inhalé des vapeurs de Lasso, un herbicide de Monsanto. Après plusieurs malaises, M. François avait été longuement hospitalisé et frôlera même la mort. Il assure souffrir depuis de graves troubles neurologiques.
Le Lasso est interdit en France depuis novembre 2007, mais il fut banni du Canada dès 1985, puis en 1992 en Belgique et au Royaume-Uni.
Son mal reconnu comme maladie professionnelle, l'agriculteur s'est lancé dans un combat judiciaire contre Monsanto, filiale de l'allemand Bayer depuis 2018. Il réclame au groupe une indemnisation à hauteur de "plus d'un million d'euros".
M. François avait obtenu gain de cause en première instance et en appel. Monsanto s'étant pourvu en cassation, l'affaire a été de nouveau examinée devant la cour d'appel le 6 février.
A l'issue de l'audience, l'agriculteur s'était dit "blessé" bien qu'"habitué aux coups" depuis le début de son marathon judiciaire, l'existence de ses séquelles ayant été contestée par les avocats de Monsanto dans leurs plaidoiries.
Devant la presse, l'avocat de Monsanto, Me Jean-Daniel Bretzner s'était notamment appuyé sur le livre écrit par M. François - "Un paysan contre Monsanto" paru en 2017 - dans lequel ce dernier reconnaissait, selon lui, avoir été "négligent le jour J", tout en sachant "pertinemment qu'il s'agissait de produits dangereux".
"Ils nient en bloc"
"Juridiquement, le dossier est solide et il n'y a rien de changé du côté de la défense de Monsanto. Ils nient tout en bloc mais on espère que la juridiction saura passer outre", estime l'avocat du plaignant, Me François Lafforgue.
Une victoire de M. François jeudi ne mettrait pas forcément fin à son combat judiciaire, Monsanto ayant encore la possibilité de se pourvoir une nouvelle fois en cassation.
Contactée par l'AFP, Bayer, dont le cours de Bourse a plongé de 38% depuis l'acquisition du spécialiste des produits phytosanitaires et des semences OGM, s'est dit "dans l'attente de la décision" de jeudi, se refusant à tout commentaire à ce stade.
Selon une porte-parole de l'association Phyto-victimes, présidée par M. François, en France, "des procédures contre des firmes, on en a peu car il est souvent difficile d'identifier le produit à l'origine de l'intoxication".
Aux Etats-Unis, c'est pour avoir fait usage d'un autre produit Montsanto, le Roundup, pour désherber sa propriété, qu'un Californien de 70 ans, souffrant d'un lymphome non-hodgkinien, a obtenu le 28 mars la condamnation du groupe américain à lui verser plus de 80 millions de dollars. L'entreprise a fait appel.
En août, un autre Américain, jardinier de profession, en phase terminale d'un cancer, avait obtenu en justice la somme de 289 millions de dollars. Somme réduite ensuite par une juge à 78,5 millions de dollars. Bayer a aussi fait appel de ce jugement.
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