Après cinq ans de pouvoir du Premier ministre Narendra Modi, cette nation de 1,3 milliard d'habitants consacrera-t-elle l'enracinement des nationalistes hindous dans une société polarisée, ou choisira-t-elle l'alternance ? Un million de bureaux de vote seront nécessaires pour élire 543 députés de la Lok Sabha, chambre basse du Parlement.
En raison des dimensions colossales du pays, le deuxième le plus peuplé au monde après la Chine, ces législatives se déroulent sur près de six semaines. Les régions votent à tour de rôle en sept phases, du 11 avril au 19 mai, pour un comptage des voix le 23 mai.
91 circonscriptions situées dans les nord-est, sud-est et nord de l'Inde donnent jeudi le coup d'envoi de ces élections, les plus grandes jamais organisées. Les premiers bureaux de vote ouvrent leurs portes à 07H00 locales (01H30 GMT).
Tsunami safran
Propulsé aux responsabilités en 2014 avec son Bharatiya Janata Party (BJP, Parti du peuple indien), Narendra Modi, 68 ans, compte bien être reconduit dans ses fonctions pour un deuxième mandat. En travers de son chemin se dressent le parti du Congrès, formation qui a dominé la politique indienne depuis l'indépendance de 1947, ainsi qu'une myriade de puissants partis régionaux décidés à en découdre.
"Une nouvelle victoire du BJP permettrait d'enraciner un peu plus leur politique et leur vision de l'Inde", basée sur une idéologie de la suprématie hindoue, explique à l'AFP Gilles Verniers, professeur de sciences politiques à l'université Ashoka.
Barbe blanche impeccable et fines lunettes, le visage de Narendra Modi est partout en Inde. Panneaux et encarts publicitaires officiels, émission de radio mensuelle, couverture médiatique non-stop, réseaux sociaux: le Premier ministre est une présence constante dans la vie quotidienne des Indiens.
Jusque récemment, rien ne semblait pouvoir arrêter le tsunami safran, la couleur emblématique des nationalistes hindous. Leur parti remportait presque toutes les grandes élections régionales - des scrutins stratégiques dans ce système fédéral.
Mais plusieurs revers électoraux du BJP dans des États-clés du nord en fin d'année dernière ont redonné espoir à ses adversaires et galvanisé l'historique parti du Congrès. Ce dernier est désormais emmené par Rahul Gandhi, 48 ans, nouveau porte-flambeau de l'illustre dynastie politique des Nehru-Gandhi.
L'économie, talon d'Achille
Sous la gouverne des nationalistes hindous, l'Inde a assisté à une crispation politico-religieuse de sa société, symbolisée par l'importance accordée à la vache. Le BJP a multiplié les politiques de protection du bovin considéré comme sacré dans l'hindouisme, des milices ont perpétré une série de lynchages contre des minorités au nom de l'animal.
Natif du Gujarat (ouest) et vendeur de thé dans son enfance, Narendra Modi, formidable harangueur de foules, bénéficie d'une grande popularité due à ses origines populaires et à l'image d'homme fort qu'il cultive, notamment à travers son attitude martiale vis-à-vis du frère ennemi pakistanais.
Son bilan économique est toutefois un talon d'Achille. L'économie a violemment pâti du fiasco de la démonétisation surprise de billets à l'automne 2016, ainsi que de l'entrée en vigueur chaotique quelques mois plus tard d'une TVA harmonisée.
Malgré un taux de croissance enviable vu de l'extérieur (6,7% en 2017-2018), celle-ci est jugée insuffisante au vu du potentiel et des besoins du géant démographique. Le pays n'arrive pas à générer assez d'emplois pour le million de jeunes qui arrivent chaque mois sur son marché du travail et, dans les campagnes, la grogne des agriculteurs monte.
Dans ce contexte, les analystes politiques doutent que Narendra Modi parvienne à renouveler son exploit de 2014, où il avait obtenu la majorité absolue au Parlement avec son seul parti, ce qu'aucun Premier ministre n'avait réussi depuis trois décennies. 2019 pourrait marquer le retour de la politique indienne aux complexes et délicates coalitions gouvernementales.
Mais, comme souvent en Inde, le résultat est "difficile à prédire", prévient le commentateur politique Parsa Venkateshwar Rao. "Ça me rappelle 2004, lorsque (le Premier ministre nationaliste hindou) Vajapyee et le BJP ont perdu alors que tout le monde s'attendait à ce qu'ils gagnent."
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