Le projet "ne répond pas à une raison impérative d'intérêt public présentant un caractère majeur", a tranché le tribunal administratif de Bordeaux. Et il a enjoint au département une "remise en état des lieux" après avoir procédé "à la démolition des éléments de construction" de ce chantier démarré début 2018, soit notamment deux piles de pont.
Cette décision est un énième rebondissement, assurément pas le dernier, pour le contournement de Beynac. Ce dossier de plus de 30 ans, réapparu dans les années 2000, cristallise l'opposition de défenseurs de l'environnement et du patrimoine, jusqu'à Stéphane Bern ou Yann Arthus-Bertrand, face aux élus locaux.
Le projet de plus de 32 millions d'euros porte sur une déviation de 3,2 km autour du village de Beynac-et-Cazenac, comprenant deux ponts sur la Dordogne, dans une vallée touristique parsemée de châteaux, dont la forteresse classée de Beynac, du XIIe siècle.
Le contournement est principalement porté par le président du département Germinal Peiro (PS) et des élus de tous bords, comme le président de l'Assemblée des départements de France Dominique Bussereau (ex-LR).
Ils invoquent en priorité des arguments de sécurité, de circulation routière et de pollution pour le bourg de Beynac (550 habitants) traversé par l'axe Bergerac-Sarlat, avec 6000 véhicules par jour en moyenne. Un risque de "catastrophe majeure est possible à tout moment car un car et un camion ne peuvent pas se croiser sur cette route", maitient M. Peiro.
Pour les opposants, cette question de trafic routier est surtout un problème de pic saisonnier "45 jours entre mi-juillet et fin août" qui a déjà été en partie réglé par des aménagements. Et ils dénoncent l'impact environnemental et paysager.
Le tribunal estime d'ailleurs que le projet "affecte la conservation d'espèces animales et de leurs habitats", notamment des chiroptères, mammifères semi-aquatiques et terrestres, oiseaux, reptiles et amphibiens.
Le département veut poursuivre
Ce contournement pourrait être autorisé en cas de "raison impérative d'intérêt public majeur". Mais ce n'est pas le cas de ce projet, estime le tribunal, au regard des données sur le trafic automobile, de l'amélioration relative qu'induirait l'ouvrage et des aménagements déjà réalisés.
"Je suis très heureux pour les amoureux de la Dordogne", a déclaré à l'AFP Stéphane Bern. "C'était prévisible, c'était espéré pour tous les défenseurs du patrimoine, tous les défenseurs de l'écologie". "J'espère qu'au bout du compte cela va protéger cette magnifique vallée".
Germinal Peiro a pour sa part déploré un jugement "ubuesque" sur un "chantier démarré avec toutes les autorisations nécessaires". Mais surtout une décision "méprisante pour les élus et la population du monde rural".
"L'intelligentsia ne s'intéresse au monde rural que pour y passer des vacances", a dit à l'AFP le président du département, assurant que sa "volonté de poursuivre le projet est intacte".
"Nous prendrons toutes les mesures adaptées pour cela. Nous ferons soit appel, soit nous lancerons une nouvelle procédure de zéro", a-t-il précisé, refusant d'envisager une démolition des travaux.
"Je ne vais pas faire dépenser 20 millions aux contribuables de Dordogne pour construire des piles de pont, puis 15 millions pour les démolir", a lancé M. Peiro, qui a la possibilité de demander au juge un sursis à exécution.
Défenseur de BTP Bouygues maître d'oeuvre, Me Christophe Cabanes avait mis en garde le mois dernier "contre l'impact financier et pour l'environnement" d'une éventuelle annulation et destruction du chantier. Pour lui la facture, entre coût de destruction et indemnisation, dépasserait même les 40 millions d'euros.
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