Après plus d'un mois de contestation massive et inédite à travers ce vaste pays d'Afrique du Nord, M. Bouteflika a finalement démissionné le 2 avril sous la pression conjuguée de la rue et de l'armée qui a menacé de ne plus reconnaître son autorité.
Agé de 82 ans, affaibli par un accident vasculaire cérébral depuis 2013, M. Bouteflika était chef de l'Etat depuis 20 ans, mais son souhait de briguer un cinquième mandat à la présidentielle prévue en avril a provoqué de gigantesques manifestations.
Une semaine après sa démission, les parlementaires de l'Assemblée populaire nationale (APN, chambre basse) et du Conseil de la Nation (chambre haute) sont convoqués ensemble mardi matin pour acter la "vacance" à la tête de l'Etat.
Ils doivent ensuite charger, conformément à la Constitution, le président de la chambre haute, poste occupé actuellement par M. Bensalah, d'assurer l'intérim à la tête de l'Etat pendant 90 jours.
Hommes du système contestés
Mais vendredi - premier jour de manifestations hebdomadaires depuis l'annonce du départ de M. Bouteflika -, les Algériens ont à nouveau défilé en masse pour exiger que soient exclus du processus de transition les hommes-clés de l'appareil mis en place par ce dernier.
Un trio a été particulièrement visé: M. Bensalah, le président du Conseil constitutionnel Tayeb Belaïz et le Premier ministre Noureddine Bedoui.
L'appel des manifestants semble avoir été entendu, puisque dimanche, l'éditorial du quotidien gouvernemental El Moudjahid, traditionnel vecteur de messages du pouvoir en Algérie, a suggéré d'écarter M. Bensalah de la présidence par intérim en le remplaçant à la tête de la Chambre haute.
"Il faudrait trouver le plus tôt possible une solution à la question de la présidence du Conseil de la Nation, du moment que l'actuelle figure ne semble pas être tolérée par le mouvement citoyen", a prôné El Moudjahid.
Le journal a suggéré de trouver "un homme consensuel qui ait l'étoffe et le sens de l'Etat", mais sans s'avancer sur un nom.
Problème: le chef d'état-major de l'armée, le général Ahmed Gaïd Salah, de facto le nouvel homme fort du pays, exige que la succession de M. Bouteflika se fasse dans le strict cadre de la Constitution.
Celle-ci prévoit que le président du Conseil de la Nation transmette le pouvoir avant l'expiration du délai de 90 jours à un nouveau chef de l'Etat élu lors d'une présidentielle.
Le mouvement de contestation réclame lui de sortir de ce cadre pour mettre sur pied des institutions de transition permettant d'engager des réformes profondes et d'organiser des élections libres.
En cas de retrait, de plus en plus probable, de M. Bensalah, ce serait son successeur à la tête du Conseil de la Nation qui prendra l'intérim.
"Vrai problème"
Mais "lui ou toute autre personne issue du Conseil de la Nation sera rejetée par la rue", souligne Rachid Grim, enseignant en Sciences politiques à l'Institut supérieur de gestion et de planification (ISGP) d'Alger, interrogé par l'AFP.
Si la présidence de la chambre haute était laissée vacante, la Constitution charge alors de l'intérim le président du Conseil constitutionnel, M. Belaiz, autre personnalité honnie par les manifestants.
"C'est là où il y a un vrai problème. L'armée tient à ce que cela (la transition) se fasse à l'intérieur de la Constitution et la rue veut que cela se fasse à l'extérieur de la Constitution. Si l'armée n'assouplit pas sa position, on va vers la rupture et la rue est difficile à maîtriser", s'inquiète M. Grim.
Lundi, l'éditorial d'El Moudjahid, passé au rythme des événements la semaine dernière de porte-voix de la présidence à celui de l'armée, a répété que la "réussite de la transition nécessite un passage en douceur, graduel, sans heurt, de l'actuel système à un système nouveau (...) afin d'éviter tout dérapage".
Le journal a toutefois évoqué une piste de compromis avec la création d'"une commission indépendante" qui serait chargée de tout le processus électoral.
"L'Armée nationale populaire ne tient pas du tout à jouer un quelconque rôle politique" dans la transition, souligne aussi le quotidien d'Etat.
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