Le ministre de l'Economie, dont le texte est au menu jusqu'à mercredi, y voit "une étape" vers une "fiscalité du XXIe siècle, plus juste et plus efficace".
La taxe Gafa (acronyme pour Google, Amazon, Facebook et Apple) à la française s'inspire d'un projet européen qui n'a pas abouti le mois dernier, en raison des réticences de quatre pays (Irlande, Suède, Danemark et Finlande).
Pour le ministre, qui souligne que d'autres Etats européens comme l'Autriche ont des projets similaires, elle servira de "levier" dans les négociations internationales. Il espère un accord d'ici 2020 au sein de l'OCDE et assure qu'alors la France retirera "naturellement sa taxe nationale".
Mais Washington la juge "extrêmement discriminatoire à l'égard des multinationales basées aux États-Unis". Le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo a encore exhorté jeudi Paris à y renoncer, M. Le Maire répliquant que la France était "décidée" et "souveraine" en matière fiscale.
L'instauration de la taxe avait été annoncée par Emmanuel Macron en décembre en pleine crise des "gilets jaunes". Elle doit contribuer à financer les 10 milliards d'euros de mesures d'urgence économiques et sociales. Même objectif avec le second article du projet de loi qui infléchit la trajectoire de baisse de l'impôt sur les sociétés pour 2019.
Concrètement, la taxe doit concerner les activités numériques qui "créent de la valeur grâce aux internautes français".
Pour le ministre, "l'évaluation de la Commission européenne est sans appel: en moyenne, les grandes entreprises du numérique paient 14 points d'impôt de moins que les autres entreprises" en Europe (9% contre 23%).
La taxe doit concerner les entreprises qui font un chiffre d'affaires sur leurs activités numériques de 750 millions d'euros dans le monde et de plus de 25 millions d'euros en France. L'idée est de les imposer à hauteur de 3% du chiffre d'affaires réalisé en France sur les publicités en ligne, la vente à des tiers des données personnelles et l'"intermédiation" (mise en relation, par des plateformes, entre entreprises et clients).
Elle devrait s'appliquer à une trentaine de groupes comme Meetic, Amazon, Airbnb, Instagram ou encore la française Criteo et rapporter 400 millions d'euros en 2019, puis 650 millions en 2020-2022.
"pénaliser nos champions"
Alors que certains élus, notamment LR, se sont inquiétés d'une répercussion sur les consommateurs, M. Le Maire y a vu un "mauvais argument", estimant notamment que les publicités consultées "bon gré mal gré" sur les smartphones ne requièrent aucun paiement.
Si le PS soutient un projet de loi qui "va dans la bonne direction", les Insoumis jugent la taxe "trop peu ambitieuse", les communistes critiquant aussi son assiette "pas très large" assimilable à une "soucoupe" voire "un sous-bock en carton".
A l'inverse, le patron de LR Laurent Wauquiez a critiqué dans le JDD qu'"on taxe tout le secteur numérique… y compris nos entreprises" et "au final, ceux que cela pénalisera vraiment, ce sont nos propres champions" - idée récusée par Bruno Le Maire (ex-LR).
La droite fustige surtout comme un "revirement" l'article 2, qui prévoit que les grandes entreprises continueront à être taxées à 33,33% sur leurs bénéfices en 2019 via l'impôt sur les sociétés (1,7 milliard d'euros attendu), qui devait initialement baisser.
Pour LR, la taxe Gafa est ainsi "l'arbre qui cache la forêt", cet article 2 pesant "quatre fois plus, en valeur". Le ministre a réaffirmé que le taux d'IS serait ramené à 25% en 2022.
L'ONG Oxfam regrette que les députés n'aient pas remis en cause cette trajectoire de baisse, qualifiant aussi la taxe Gafa de "symbolique".
Près des deux tiers du chiffre d'affaires cumulé des cinq géants Facebook, Google, et surtout Apple, Amazon et Microsoft, aux activités majoritairement "hors numérique", ne seront pas couverts par la taxe, déplore l'organisation altermondialiste Attac.
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