Sur les réseaux sociaux, les appels se multiplient à manifester à nouveau vendredi pour chasser les "3B", Abdelakder Bensalah, Tayeb Belaiz et Noureddine Bedoui, trois hommes-clés de l'appareil mis en place par Bouteflika et à qui la Constitution confie les rênes du processus d'intérim.
Abdelkader Bensalah, président depuis plus de 16 ans du Conseil de la Nation (chambre haute) par la grâce de M. Bouteflika, est chargé de le remplacer pour trois mois à la tête de l'Etat, le temps d'organiser une présidentielle.
Tayeb Belaiz, qui fut 16 ans ministre, quasiment sans interruption, préside - pour le deuxième fois de sa carrière - le Conseil constitutionnel, chargé de contrôler la régularité du scrutin.
"Phase la plus délicate"
Le Premier ministre Noureddine Bedoui était jusqu'à sa nomination le 11 mars le très zélé ministre de l'Intérieur, "ingénieur en chef de la fraude électorale et ennemi des libertés", comme le qualifie le quotidien francophone El Watan jeudi.
Tous trois ont toujours servi fidèlement M. Bouteflika, rappellent leurs détracteurs.
"Notre victoire est partielle. Les Algériennes et les Algériens n'accepteront pas que des symboles du régime tels que Abdelakder Bensalah (...) ou le Premier ministre conduisent la période d'intérim et organisent les prochaines élections", a souligné dans une vidéo postée sur internet l'avocat Mustapha Bouchachi, une des voix de la contestation.
"Ces symboles du régime ne peuvent pas être une partie de la solution, et nous avons réclamé depuis le 22 février que tout le système, ses symboles et ses clientèles partent. La démission du président ne signifie pas qu'on a eu réellement gain de cause", a-t-il poursuivi.
Me Bouchachi a appelé les Algériens à "continuer" à manifester "jusqu'à leur départ à tous" ajoutant que "vendredi doit être un grand jour".
"S'en tenir à la Constitution" et confier l'intérim et l'organisation des élections à des hommes incarnant le système déchu, "va probablement susciter pas mal de protestation, les contestataires doutant que les élections soient équitable (...) et libres", estime Isabelle Werenfels, chercheuse associée à l'Institut allemand pour les Affaires internationales et de Sécurité (SWP).
Les contestataires réclament à la place la mise sur pied d'institutions de transition, à même de réformer le pays et d'organiser notamment un cadre juridique garantissant des élections libres.
"L'après Bouteflika n'est pas clair. La rue et les partis" d'opposition "appellent à une nouvelle Constitution, une nouvelle loi électorale", souligne Hamza Meddeb, chercheur sur le Moyen-Orient à l'Institut universitaire européen (EUI) de Florence.
L'Algérie entre dans "la phase la plus délicate, car la rue et les institutions risquent de se diviser", estime-t-il.
Grand vainqueur de son bras de fer avec l'entourage de Bouteflika, qu'il a contraint in fine à quitter le pouvoir, le général Ahmed Gaïd Salah, chef d'état-major de l'armée, apparaît comme l'homme fort du pays actuellement.
"Epreuve de la rue"
Mais, souligne Hasni Abidi, directeur du Centre d'études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen à Genève, "la rue algérienne est devenue le nouvel acteur dans la vie politique algérienne" et "on ne connaît pas grand-chose des intentions de l'armée concernant la gestion de l'après Bouteflika".
Jeudi, la presse algérienne elle aussi s'interroge sur le rôle qu'entend jouer l'armée, qui est historiquement un acteur clé du régime, surtout en période de crise.
Si les manifestations continuent, "l'institution militaire va-t-elle peser de tout son poids pour imposer le strict respect de la Constitution (...) ou alors pousser vers une autre issue politique consensuelle, mais qui sera forcément anticonstitutionnelle?", s'interroge le quotidien francophone Le Soir d'Algérie.
"Transition, quel mode d'emploi?" se demande El Watan en une, avec un dessin montrant le général Gaïd Salah, sifflet à la bouche, dirigeant les manifestants vers un chemin intitulé "Ordre constitutionnel".
D'autant que le général Gaïd Salah est largement perçu par les manifestants comme un homme du "système" Bouteflika qu'il a fidèlement servi depuis sa nomination par le président à la tête de l'armée en 2004, avant de le lâcher ces derniers jours.
"Gaïd Salah reste, aux yeux des Algériens, le chef militaire qui a fait beaucoup de chemin en bonne entente avec Bouteflika, cautionnant même l'option du 5e mandat", déclencheur de la contestation, "dont il ne s'est démarqué qu'après que la mobilisation de la rue l'a sabordé", note de son côté le quotidien Liberté.
"Après le clan des Bouteflika, le chef d'état-major de l'armée aura à subir l'épreuve de la rue", prévoit le journal.
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