Deux autorités se disputent depuis des années le pouvoir dans ce pays en proie au chaos: à l'ouest, le Gouvernement d'union nationale (GNA) dirigé par Fayez al-Sarraj, établi fin 2015 par un accord parrainé par l'ONU et basé à Tripoli. A l'est, une autorité rivale contrôlée par l'Armée nationale libyenne (ANL), autoproclamée par le maréchal Khalifa Haftar.
Signe de la tension ravivée qui règne jeudi, le commandant des opérations militaires de l'ANL dans la région ouest, le général Abdessalem al-Hassi, a affirmé à l'AFP que leurs forces étaient entrées sans combats dans Gharyan, ville située à quelque 100 km au sud de Tripoli. Cette information a toutefois été démentie par au moins quatre sources locales contactées par l'AFP.
Mercredi soir, l'ANL du maréchal Haftar a annoncé qu'elle préparait une offensive pour "purger l'ouest" de la Libye, dont la capitale Tripoli, "des terroristes et des mercenaires", sans identifier davantage leurs cibles.
L'annonce des forces pro-Haftar a été accompagnée de mouvements de troupes confirmés à l'AFP de sources locales et militaires.
Jeudi à l'aube, une colonne de véhicules armés est arrivée au sud de Gharyan, où l'ANL avait toutefois déjà obtenu le ralliement d'un important groupe armé de la ville.
Affirmant que l'ANL avait pris position autour de la ville, en particulier dans la région de Jandouba, à 25 km au sud de Gharyan, un responsable de la ville a dit à l'AFP, sous le couvert de l'anonymat que Gharyan était divisée entre pro et anti-Haftar. "Des efforts sont en cours pour éviter une confrontation entre les deux à l'intérieur même de la ville", a-t-il argué.
L'avancée des pro-Haftar risque d'embraser l'ouest libyen, où les villes et les groupes armés sont généralement divisés entre ceux qui appuient l'ANL et ceux qui lui sont hostiles.
"Risque de confrontation"
Cette montée des tensions coïncide avec un déplacement dans le pays du secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres.
Jeudi, au deuxième jour de cette visite, le patron des Nations unies s'est dit "vivement préoccupé par le mouvement de troupes (...) et le risque de confrontation".
"J'appelle au calme et à la retenue alors que je me prépare à rencontrer les dirigeants libyens", a-t-il ajouté sur son compte Twitter.
M. Guterres a réaffirmé qu'il n'existait "pas de solution militaire" en Libye. "Seul le dialogue interlibyen peut résoudre les problèmes libyens", a-t-il dit.
La délégation de l'Union européenne et les chefs des missions diplomatiques européennes ont également mis en garde contre l'"escalade" et "un affrontement incontrôlable".
"Nous exhortons toutes les parties à désamorcer immédiatement les tensions", ont-ils ajouté dans un communiqué commun.
Washington, via son ambassade, a aussi "condamné avec force la hausse de la violence" et répété "l'appel de l'ONU à la retenue".
A Tripoli, le chef du GNA, Fayez al-Sarraj, a dénoncé une "escalade" et des déclarations "provocatrices".
M. Sarraj a indiqué par ailleurs avoir ordonné aux forces pro-GNA de se tenir prêtes pour "faire face à toute menace".
"Coordination accrue"
L'opération annoncée par l'ANL intervient à quelques jours de la tenue d'une Conférence nationale sous l'égide de l'ONU prévue mi-avril à Ghadamès (sud-ouest), appelée à dresser une "feuille de route", avec notamment la tenue d'élections, afin de tenter de sortir le pays de l'impasse.
Aucun des efforts diplomatiques de l'année écoulée n'a permis de percée.
Selon Emad Badi, un analyste libyen, l'avancée des troupes du maréchal Haftar peut lui permettre de "valoriser sa position au niveau des négociations, si la conférence de Ghadamès se tient".
Mais l'analyste fait aussi état d'une "coordination accrue" entre les factions de l'ouest libyen, qui "considèrent tous que Haftar est une menace commune". "Il existe des signes qu'ils vont se mobiliser collectivement contre lui", dit-il.
"Le risque d'embrasement est accru par les manœuvres provocatrices de l'armée de Haftar", juge pour sa part Jalel Harchaoui, chercheur à l'Institut Clingendael de La Haye.
"Prendre Tripoli n'est assurément pas une tache facile, mais cela reste une possibilité", juge-t-il.
Selon M. Harchaoui, les milices de la capitale sont soutenues par les mêmes Etats arabes qui appuient Haftar. Une allusion aux Emirats arabes unis, à l'Egypte ainsi qu'à l'Arabie saoudite, où le maréchal a été reçu fin mars par le roi Salmane.
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