Ce que prévoit la Constitution
Après la démission d'Abdelaziz Bouteflika, c'est Abdelkader Bensalah, le président du Conseil de la Nation qui est théoriquement chargé d'assurer l'intérim. Le Conseil constitutionnel a constaté la "vacance" du pouvoir et a informé le Parlement. Les deux Chambres sont censées se réunir mais elles ne l'ont toujours pas fait.
Le président par intérim a 90 jours maximum pour organiser une élection présidentielle - à deux tours - et remettre le pouvoir à celui qui sera élu, puisqu'il lui sera interdit de se présenter lui même.
Au vu de la très courte échéance, il va devoir convoquer l'élection extrêmement rapidement, car la loi électorale prévoit un certain nombre de délais, pour certains incompressibles: notamment une période de 45 jours pour le recueil des parrainages et le dépôt des dossiers de candidatures, qui doivent ensuite être validés par le Conseil constitutionnel, organisation d'un 2e tour, 15 jours après la proclamation des résultats du 1er tour, etc...
Pourquoi ce scénario n'est-il pas certain?
Outre le départ, désormais acquis, de M. Bouteflika, la rue réclame aussi celui de l'ensemble du "système" sur lequel s'est appuyé le président déchu. Hors de question que les hommes placés aux postes-clés par le président déchu gèrent l'après-Bouteflika.
Sur les réseaux sociaux, les appels se multiplient à chasser désormais les "3B": Bensalah, Belaiz, Bedoui.
Tayeb Belaiz préside le Conseil constitutionnel, institution chargée de veiller à la régularité du scrutin. Avant d'être nommé Premier ministre, le 11 mars, Noureddine Bedoui fut durant quatre ans ministre de l'Intérieur et à ce titre chargé d'organiser des élections que l'opposition estime frauduleuses.
Purs produits du régime, les "3B" ont fidèlement servi M. Bouteflika depuis son arrivée au pouvoir.
Par ailleurs, font remarquer les contestataires, les délais très courts rendent difficiles de modifier le code électoral, favorable au pouvoir et aux partis "installés".
Une vingtaine d'associations - de défense des droits de l'Homme, de jeunes, de femmes ou des syndicats - ont appelé la population à poursuivre les manifestations vendredi pour "maintenir la pression", jusqu'au "départ de tous les responsables du régime" et la mise en place d'institutions de transition.
Quels sont les autres scénarios possibles?
"L'Algérie s'en tiendra-t-elle au processus constitutionnel, avec des élections dans 90 jours, ou y aura-t-il un effort pour négocier une issue extra-constitutionnelle", telle est la question, pour Isabelle Werenfels, chercheuse associée à l'Institut allemand pour les Affaires internationales et de Sécurité (SWP).
Pour l'heure les mécanismes institutionnels ont été mis en branle et le gouvernement commence à donner des gages - symboliques - d'ouverture démocratique à la presse, l'opposition et la société civile.
Une démission, avant la réunion du Parlement, d'Abdelkader Bensalah, "doublure" depuis 2013 en Algérie ou à l'étranger, de M. Bouteflika qui n'apparaissait plus que rarement en public en raison des séquelles d'un AVC, est évoqué, afin de nommer à sa place une personnalité plus "acceptable".
Une démission du Conseil constitutionnel pourrait être également envisagée, seul moyen de remplacer ses membres: mais leur nomination incombe aux chefs de l'Etat et du gouvernement et aux institutions du "système". Le chef de l'Etat par intérim n'a en revanche pas le pouvoir, constitutionnellement, de remanier le gouvernement.
Si la contestation ne se calme pas, il sera difficile de poursuivre le processus à son terme.
"Une des options pourrait être de nommer une figure indépendante, consensuelle, pour diriger une institution de transition", estime Isabelle Werenfels.
Reste à trouver la personnalité qui fasse consensus au sein d'une contestation pour l'heure non incarnée et qui refuse d'être récupérée.
Mais l'arbitre devrait être l'armée, dont l'intervention aura été décisive dans le départ de M. Bouteflika.
Or tout en assurant qu'elle "soutiendra le peuple jusqu'à ce que ses revendications soient entièrement et totalement satisfaites", elle a clairement fait savoir qu'elle n'acceptait qu'un "processus garantissant la gestion des affaires de l'Etat dans le cadre de la légitimité constitutionnelle"...
Que fera alors l'armée si les manifestations massives continuent?
"Les craintes sont énormes (...) d'un face à face entre la rue et l'institution militaire", estime Hasni Abidi, directeur du Centre d'Etudes arabes et méditerranéennes à Genève, qui note que "l'armée aujourd'hui n'a pas de contre-pouvoir" en Algérie.
"L'armée n'est pas habilitée, pas formée pour gérer une transition délicate, décidée à la hâte avec un départ non négocié du président de la République", souligne-t-il, estimant nécessaire de "rentrer tout de suite dans un cycle de négociations qui est le propre même d'une transition sereine".
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