Pour cette fille de pompier, ce qui lui est arrivé va "à l'encontre de ce qu'on (lui) a appris. Tirer sur le peuple ? Je ne comprendrais jamais".
Vanessa Langard est venue manifester le 15 décembre à Paris, indignée par la situation de sa grand-mère, qu'elle héberge et qui est dépendante. "Il n'y a rien pour elle". Sa petite-fille est son auxiliaire de vie, et pas "une fainéante", souligne-t-elle, pour contester le mot d'Emmanuel Macron: elle allait "commencer un deuxième travail dans les écoles".
Elle et ses amis avaient "vu les images des week-ends précédents" : des scènes de guérilla urbaine à Paris deux semaines auparavant, près de 2.000 interpellations et des dégâts dans la capitale, à Bordeaux ou Toulouse le week-end précédent. "La priorité, c'était de faire attention", raconte-t-elle.
Au matin, sur les Champs-Elysées, il y a "une super ambiance, c'était calme". Mais après déjeuner, elle et ses amis "tombent sur une barre de CRS" et s'éloignent. D'un coup, elle voit "des policiers en civil arriver" d'une rue perpendiculaire. "Il n'y a pas eu de menaces, pas eu de cris, pas eu de personnes qui jetaient de choses", se rappelle-t-elle. Les policiers "tirent; je me fais impacter". Pour elle, le LBD est en cause.
Elle a porté plainte, l'IGPN l'a auditionnée.
Dans les souvenirs de celle qui devait fêter ses 35 ans quelques jours plus tard, les trous commencent au moment de cet impact : "Plein de choses se sont effacées". Pour raconter la scène, elle montre une vidéo sur son téléphone. "Je suis à terre, le crâne éclaté, on voit l'os".
"Ma meilleure amie a entendu +pouh ! pouh!+ Elle a tourné la tête, elle m'a vu par terre, elle m'a cru morte". Sa mère lui dira aussi qu'elle a cru qu'on allait "l'enterrer".
"Solidarité"
A l'hôpital, elle subit deux interventions: d'abord, pour son hémorragie crânienne. Ensuite, trois plaques de métal au-dessus de l'œil.
La jeune femme blonde, pétillante et dynamique sur d'anciennes photos, s'assombrit : "J'ai l'impression de ne plus être moi-même. Je prenais soin de moi-même, j'adorais me faire jolie, je ne peux plus me maquiller."
Extérieurement, son visage ne présente qu'une grosse cicatrice au-dessus de l'œil gauche, toujours présent. Mais celui-ci ne fonctionne pratiquement plus: "acuité visuelle limitée à 1/20ème", commente un certificat médical consulté par l'AFP.
"Je me posais des questions: quel futur ? Vais-je pouvoir travailler ? Je suis décoratrice sur verre". Car sa vie, résume-t-elle, est "désormais un combat au quotidien", avec "un an de rééducation" au programme, "des pertes de mémoires importantes" et des "connexions qui ne se font plus". "L'handicap de mon handicap", a-t-elle fini par remarquer, "c'est qu'il ne se voit pas. Les gens ne vont pas comprendre que je sois KO".
Deux rais de lumière l'animent toutefois encore : "témoigner", car "ça fait dix ans qu'en banlieue, on se fait tirer dessus au +flash-ball+. Ça fait longtemps qu'on aurait dû le dénoncer", dit celle qui n'avait jusque-là manifesté que contre Jean-Marie Le Pen, comme lycéenne.
Surtout, Vanessa Langard apprécie la "solidarité" entre blessés graves, avec qui "on arrive plus facilement à fonctionner", et celle, plus large, entre "gilets jaunes", qui lui ont envoyé des "centaines et milliers de messages": "Ça m'aide à relever la tête".
Sur sa veste noire, elle porte encore un pin's en forme de gilet jaune, alors que celui du jour où sa vie a basculé, ensanglanté, a été jeté. "C'est un homme qui a décidé de faire des pin's en forme de gilets jaunes et qui reverse le produit de la vente à ceux qui ont été gravement blessés. J'ai reçu une +box+ pour un massage spa. Ça m'a fait si plaisir".
gd/sac/pta
Dossier complet : http://factuel.afp.com/gjeborgnes
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