L'Agence nationale des produits de santé (ANSM) a pris cette décision "face à l'augmentation significative depuis 2011 des cas de lymphome anaplasique à grandes cellules associés au port d'implants mammaires", explique le gendarme sanitaire dans un courrier aux fabricants, dévoilé mercredi par Le Monde et Radio France.
Contactée par l'AFP, l'ANSM n'a pas souhaité confirmer l'authenticité de ce courrier. Elle doit annoncer sa décision à l'occasion d'une conférence de presse jeudi matin.
Depuis 2011, sur les 500.000 femmes porteuses d'implants mammaires en France, on a recensé 56 cas de cette forme rare mais agressive de cancer, qui se manifeste le plus souvent par un épanchement de liquide autour de la prothèse. La quasi totalité des cas concernaient des femmes ayant des prothèses à enveloppe texturée. Trois en sont décédées.
Les prothèses visées par la décision de l'ANSM ont une surface extérieure en silicone "macro-texturée", c'est-à-dire rugueuse, ou en polyuréthane. Leur retrait a été décidé "au vu du danger rare mais grave que leur implantation est susceptible de constituer", selon ce courrier, daté de mardi et signé de Christelle Ratignier-Carbonneil, directrice générale adjointe de l'ANSM.
Marquage CE perdu
Parmi les prothèses interdites figurent plusieurs modèles du fabricant américain Allergan de type Biocell. Cette texture est la principale mise en cause dans la survenue de lymphome anaplasique à grandes cellules (LAGC).
Plusieurs plaintes ont été déposées à Paris et Marseille pour "mise en danger délibérée de la vie d'autrui" par des femmes porteuses de ce type d'implants.
Le géant pharmaceutique a perdu mi-décembre le marquage CE de ses implants mammaires à enveloppe texturée, parce qu'il n'avait pas pu présenter les données additionnelles demandées par l'organisme de certification dans les délais impartis. Il avait alors dû procéder au retrait des produits concernés.
Les autres modèles frappés par l'interdiction sont fabriqués par les marques Arion, Sebbin, Nagor, Eurosilicone et Polytech.
En prononçant ces interdictions, l'ANSM est allée plus loin que le comité d'expertes qu'elle avait mandaté début février.
Ce comité se prononçait seulement pour l'interdiction des prothèses Biocell d'Allergan.
En revanche, l'ANSM n'a pas non plus opté pour la solution la plus radicale, qui aurait consisté à interdire en bloc tous les implants mammaires texturés, qui représentent près de 85% du marché français.
Les implants mammaires en silicone sont classifiés en fonction de l'aspect de la pellicule qui les entoure, entre lisses et texturés (microtexturés ou macrotexturés, selon le degré de rugosité).
A l'inverse de pays comme les Etats-Unis et le Canada, où les implants lisses sont nettement majoritaires, les prothèses texturées sont privilégiées en France car elles sont réputées rester mieux en place que les prothèses à surface lisse et provoquer moins de "coques" (durcissement des tissus autour de l'implant).
Selon certains scientifiques, les inflammations provoquées par le frottement pourraient toutefois être à l'origine du LAGC.
Enfin, les implants dont l'enveloppe extérieure est en polyuréthane sont marginaux sur le marché. La mousse dont ils sont recouverts est poreuse, ce qui permet aux tissus du sein de s'y accrocher.
"On ne comprend pas pourquoi l'ANSM rend cet avis qui va à l'encontre des décisions de ses propres experts", a réagi le Dr Sébastien Garson, président de la Société française des chirurgiens esthétiques plasticiens (Sofcep), demandant à l'autorité sanitaire d'expliquer s'il y a eu des "nouvelles données" depuis la tenue du comité début février qui ont "fait pencher sa décision".
"Ca va sûrement compliquer la donne pour la prise en charge des patientes à l'avenir", car les chirurgiens disposeront de moins de choix, en particulier pour les reconstructions mammaires, a-t-il expliqué à l'AFP.
Cette interdiction est "la seule décision de police sanitaire responsable qui vaille en l'état du risque", a au contraire estimé Me Emmanuel Molina, avocat d'une des patientes ayant porté plainte contre Allergan.
"Les victimes de ce scandale sanitaire qui se profile (...) ne comprendraient pas que (l'ANSM) prenne une autre décision que celle consistant à éviter la survenance d'autres possibles cas", a-t-il déclaré à l'AFP.
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