Le commandant de bord et son copilote, confrontés à une défaillance du système de stabilisation de l'appareil (MCAS), ont respecté "initialement" la procédure d'urgence établie par le constructeur mais ils n'ont pas réussi à reprendre le contrôle de l'appareil, affirme mercredi le Wall Street Journal.
Selon le quotidien, qui cite des personnes ayant eu accès aux données des boîtes noires de l'avion, l'équipage aurait toutefois réactivé le système.
Pourtant, la manière dont le système a pu être réactivé n'est pas établie pour le moment et celui-ci a pu se réactiver tout seul, a indiqué à l'AFP une source proche de l'enquête.
"Pour l'heure, les enquêteurs travaillent sur la possibilité que le MCAS ait pu se remettre en route sans l'intervention des pilotes", a déclaré cette source.
"Nous exhortons à la prudence face aux spéculations", a déclaré de son côté un porte-parole de Boeing après l'article du WSJ, invitant à attendre les conclusions de l'enquête.
L'avion d'Ethiopian s'est écrasé six minutes après son décollage le 10 mars près d'Addis-Abeba, tuant les 157 personnes à bord. Le 29 octobre, un même appareil de la compagnie indonésienne Lion Air s'était abîmé en mer de Java faisant 189 victimes.
Ces deux catastrophes rapprochées ont conduit il y a trois semaines les autorités du monde entier à immobiliser toute la flotte des 737 MAX en raison de leurs similitudes: accidents survenus quelques minutes après le décollage à l'issue de mouvements d'oscillation brutaux et rapprochés.
La tragédie de Lion Air avait conduit Boeing à publier des consignes à suivre en cas d'urgence pour déconnecter le MCAS destiné à éviter le décrochage de l'avion et pour reprendre le pilotage manuel.
Ce système, dit "Maneuvering Characteristics Augmentation System" a été spécialement conçu pour le 737 MAX afin de corriger une anomalie aérodynamique liée à une motorisation plus lourde.
Incontrôlable ?
Il est soupçonné d'avoir joué un rôle clé dans la tragédie d'Ethiopan aussi.
Dans une consigne adressée aux équipages le 6 novembre dernier, Boeing expliquait qu'une erreur de la sonde mesurant l'angle d'attaque (AOA) pouvait conduire le MCAS à mettre brutalement l'avion en "piquer" (nez vers le sol).
Pour y remédier, il recommandait aux pilotes de désactiver le système en "déconnectant les compensateurs électriques", et ce "jusqu'à la fin du vol".
L'avionneur prévenait également qu'une fois le MCAS déconnecté, "des efforts plus importants pourraient être nécessaires" pour redresser l'avion.
Dans la foulée, le 7 novembre, la compagnie American Airlines mettait en garde ses pilotes dans un bulletin interne: "Soyez préparés à la possibilité d'un stabilisateur incontrôlable".
Initialement, le MCAS a été conçu pour s'activer "sans l'intervention du pilote" et il "commande au stabilisateur de piquer du nez" ou "d'améliorer les caractéristiques de tangage pendant les virages", selon la note du constructeur.
Le système s'active automatiquement lorsque l'angle d'attaque détecté "dépasse un (certain) seuil basé sur la vitesse et l'altitude".
Boeing a également expliqué qu'en arrêtant les commandes du compensateur électrique, cela arrêtait le mouvement du stabilisateur piloté par le MCAS.
Toutefois, l'avionneur a aussi reconnu, toujours dans sa directive de navigabilité de novembre, que le MCAS se réactivait "dans les cinq secondes (...) si l'angle d'attaque est toujours trop élevé". Or l'accident de Lion Air a fait apparaître la défaillance de la sonde mesurant cet angle.
"L'une des questions est de savoir si l'avionneur avait prévu un éventuel emballement du système qui devient incontrôlable", a expliqué une source industrielle. "Les constructeurs prévoient des scénarios de défaillances des différents systèmes qu'ils testent en vols d'essais mais ils ne peuvent pas tout expérimenter en vol", a-t-elle reconnu.
Pour l'heure, Boeing s'efforce de corriger le système MCAS avec l'objectif de réduire la force de son action.
Lundi, l'agence fédérale de l'aviation (FAA) a retoqué les premières modifications proposées, estimant qu'elles n'étaient pas satisfaisantes. "Il faut du temps pour effectuer du travail supplémentaire", a insisté la FAA, qui s'attend à recevoir le correctif dans les "prochaines semaines".
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