En février 2018, Emmanuel Macron, venu à l'occasion de la commémoration des 20 ans de l'assassinat du préfet Erignac, avait douché les espoirs des nationalistes en rejetant toute idée de co-officialité de la langue corse, d'autonomie fiscale ou d'amnistie des prisonniers "politiques", acceptant seulement d'inscrire "une mention" de la Corse dans la Constitution.
Si les tensions entre le chef de l'Etat et les dirigeants nationalistes remontent à cette visite, elles se sont encore exacerbées ces derniers jours. De chaque côté, chacun martèle régulièrement sa volonté de "dialogue", mais Emmanuel Macron ne devrait finalement rencontrer ni le président du conseil exécutif Gilles Simeoni, ni celui de l'Assemblée de Corse Jean-Guy Talamoni.
Bien au contraire, son arrivée dans l'île pour la dernière étape du grand débat national, organisée dans le village de Cozzano, a été devancée dès le 27 mars par un appel de la coalition nationaliste Pè a Corsica à une demi-journée "Isula Morta" (Ile morte) jeudi entre 12H00 et 18H00 pendant "le pseudo-débat".
Dans les jours suivants, Jean-Guy Talamoni et Gilles Simeoni ont annoncé qu'ils ne participeraient pas au débat. "On est invité à faire la claque, à applaudir le discours d'Emmanuel Macron, pour nous, ce n'est pas comme ça que les choses doivent se passer", a déclaré M. Talamoni à l'AFP. Gilles Simeoni a quant à lui déploré un "climat tendu" et "un blocage politique" avec Paris.
"Le paradoxe avec les élus nationalistes, c'est qu'ils dénoncent avec constance l'absence de dialogue, mais ils trouvent toujours des prétextes pour l'éviter", a taclé mercredi dans Le Monde la ministre de la Cohésion des territoires Jacqueline Gourault: "Il faut arrêter de jouer au chat et à la souris".
"Suffrage universel méprisé"
Dans une interview au ton conciliant accordée à Corse-Matin, Emmanuel Macron avait pourtant assuré mardi qu'il se rendait sur l'île "disponible et volontaire" pour débattre avec les élus insulaires. La balle a été saisie au bond par les dirigeants nationalistes de l'île, qui ont officiellement invité mercredi le président à venir "échanger" jeudi matin à l'Assemblée de Corse.
Une invitation aussitôt déclinée par l'Élysée, qui a toutefois précisé que "le président de la République (était) tout à fait disponible pour un échange avec MM. Simeoni et Talamoni à Cozzano ou à Paris dès qu'ils le souhaiter(aient)".
"Nous restons, malgré cette rebuffade, disponible pour le dialogue, un dialogue historique", a réagi Gilles Simeoni en fin d'après-midi après le refus présidentiel, regrettant "une occasion manquée supplémentaire".
À ses côtés, Jean-Guy Talamoni a appelé "les Corses à participer, de manière massive, à l'opération de l'+Isula Morta+, de manière pacifique et déterminée, pour faire valoir la désapprobation de la société corse", jugeant que "le suffrage universel est méprisé, la démocratie est bafouée, le projet massivement validé à la majorité absolue totalement ignoré et une offre de dialogue repoussée".
Ce jeu politique s'inscrit dans un contexte de recrudescence de la violence depuis début mars dans l'île, sans revendication politique à ce stade: lundi, des charges non explosées ont notamment été découvertes devant deux bâtiments des finances publiques à Bastia, entraînant la saisine de la section antiterroriste du parquet de Paris. Plusieurs villas ont également été visées par des explosions depuis le début du mois.
"Il ne peut pas y avoir d'autre chemin que celui de la démocratie", a réagi face à ces violences M. Simeoni, assurant ne connaître "ni leur origine ni les motivations de leurs auteurs".
"Si nous arrivons à entrer avec l'Etat dans un schéma vertueux qui ne laisse pas le moindre espace politique à quelques formes de radicalité et notamment à la violence clandestine, à ce moment-là, nous aurons servi et la cause de l'apaisement et la cause du dialogue", a appelé de ses vœux l'élu.
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