Sur une colline de Petare, le plus grand bidonville du pays, où s'entassent plus d'un demi million de personnes, des centaines de personnes font la queue jour et nuit devant deux puits. Bidons, bouteilles, seaux: ils remplissent tout ce qu'ils peuvent. Non potable, cette eau permettra de prendre un bain ou de laver le linge.
Depuis début mars, le pays est plongé dans le noir à cause des pannes de courant massives à répétition. Conséquence directe: les pompes à eau des maisons et des immeubles, qui fonctionnent à l'électricité, sont à l'arrêt.
"On n'a pas d'eau, ni d'électricité. Les coupures de courant sont terribles, on perd les aliments (faute de frigo, ndlr). Il n'y a pas de transport, rien, c'est dur!", déclare à l'AFP Ernestina Velasco, 78 ans, dans sa modeste maisonnette du quartier du 24 mars aux rues en terre.
Le manque d'eau est un problème chronique dans cette zone de Caracas, explique cette femme à l'allure dépenaillée. Si les prix sont dérisoires, le service est défaillant, poursuit-elle.
"Dieu merci, nous avons ça", se console-t-elle en montrant les deux puits. "C'est un chaos, ça donne envie de partir en courant".
Un peu plus loin, dans le quartier populaire d'El Valle, un attroupement s'est formé autour d'une bouche d'égout: des hommes y puisent de l'eau à l'aide de cordes et de seaux pour leurs toilettes, a constaté l'AFP.
La situation énergétique dans le pays est telle, que le gouvernement vient d'ordonner le rationnement de l'électricité durant 30 jours et la réduction de la journée de travail. Les cours suspendus le 26 mars doivent reprendre mercredi.
- Eau en dollars -
Cette situation d'urgence est due à des "attaques terroristes" dans le cadre d'une "guerre électrique déclenchée pour rendre fou le pays", accuse le président socialiste Nicolas Maduro.
La pénurie d'eau frappe tout ce pays de 30 millions d'habitants, sans distinction de catégorie sociale.
Dans un parc de Caracas, un avocat issu d'un milieu aisé et qui préfère rester anonyme est là pour acheter une citerne destinée à son immeuble. Il vit dans le quartier cossu de La Castellana, au nord de la capitale.
Il doit discuter avec William, chauffeur d'un camion-citerne datant de 1969 qui peut contenir jusqu'à 8.000 litres.
"Pour La Castellana, c'est 200 dollars", lui dit William, qui fait la queue pour remplir son camion dans le parc de l'Est, avec l'aval du gouvernement.
Malgré ce prix prohibitif pour nombre de Vénézuéliens, alors que le salaire minimum au Venezuela dépasse à peine les cinq dollars, l'avocat ne marchande pas.
Il devra faire la collecte auprès des voisins qui lui restent dans son immeuble. Un tiers d'entre eux ont rejoint les 2,7 millions de Vénézuéliens qui ont quitté le pays depuis 2015, selon l'Onu.
"C'est le prix à payer pour rester au Venezuela", explique à l'AFP cet homme de 42 ans.
Pour pouvoir remplir son camion dans le parc de l'Est, William le chauffeur doit, en échange, effectuer trois trajets gratuits pour le compte du gouvernement pour approvisionner différents quartiers de la capitale. L'armée est chargée de faire respecter cet accord non écrit.
Mais dans le quartier pauvre du 24 mars, les camions tardent à venir, jouant avec les nerfs de Carmen Veliz, une habitante. Et encore, dans d'autres zones proches, il n'y a plus d'eau "depuis des mois", assure-t-elle.
C'est cette exaspération qui a poussé dimanche des habitants de Caracas à descendre dans la rue pour taper sur des casseroles dans différents quartiers, bravant la répression de la police et des groupes armés proches du pouvoir.
"Que fait le gouvernement? Ni l'un, ni l'autre. Aucun ne vient nous aider (...), aucun des deux ne sert à rien", dénonce une femme en référence au bras de fer entre Maduro et son principal opposant, Juan Guaido, reconnu président par intérim par une cinquantaine de pays.
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