Témoins par dizaines, lectures de pièces de procédure, expertises disséquées à l'audience... Face à neuf accusés qui n'ont rien lâché depuis le début du procès il y a six semaines, l'avocat général Marc Gouton a voulu recadrer le débat lundi, en ouverture d'un réquisitoire aussi méthodique que détaillé.
"Nous parlons d'un trafic de stupéfiants (...) préparé en amont dans le cadre d'une association de malfaiteurs", a martelé le magistrat devant la cour d'assises spéciale à Aix-en-Provence.
"Sans l'ombre de l'ombre d'un doute, on peut considérer qu'il s'agit de trois voyages qui avaient pour objet de transporter de la cocaïne", a-t-il poursuivi, évoquant les rotations suspectes du Falcon 50 qui sont au cœur de ce dossier.
Lors des débats, des avocats avaient mis en cause jusqu'à la réalité même de la saisie par les autorités de République dominicaine de 700 kilos de cocaïne à bord du Falcon 50 en mars 2013, qui a fait éclater l'affaire au grand jour.
Mais le magistrat du parquet a méthodiquement balayé les justifications multiples évoquées par les accusés pour ces vols payés en espèces, sans laisser de traces: un supposé trafic d'or, des transports de vêtements ou encore de statues précieuses.
Ces voyages, entre Le Bourget (Seine-Saint-Denis) ou Saint-Tropez et Puerto Plata, en République Dominicaine, ou Quito, en Equateur, avec des escales dans les Açores "défient tant le bon sens économique que les règles légales et contractuelles", a souligné M. Gouton.
"Ils sont financés, payés, organisés dans des conditions telles que personne ne peut soutenir qu'il ignorait à quoi il participait. Nous parlons d'un trafic de stupéfiants", a-t-il martelé.
Contradictions et incohérences
Les pilotes Pascal Fauret et Bruno Odos, en particulier, ont toujours plaidé qu'ils n'avaient pas à s'intéresser à ce que contenaient les valises de leurs clients, selon les règles et coutumes de l'aviation d'affaires. Ils ont été condamnés à 20 ans de prison en République Dominicaine dont ils sont partis clandestinement en 2015.
L'avocat général s'est aussi concentré pendant plusieurs heures sur deux personnages principaux, le commanditaire présumé des importations Ali Bouchareb, seul à comparaître détenu, et l'organisateur des vols, Frank Colin.
Ce dernier, qui se prétend "infiltré" au service de la police pour faire tomber le trafic, a multiplié les déclarations contradictoires voire incohérentes au fil des journées d'audience. Il a vu sa version taillée en pièces.
"Un agent infiltré qui se vante d'être infiltré, je n'en n'ai jamais vu !", a ironisé le magistrat, estimant que M. Colin, Français résident en Roumanie, avait plutôt cherché à se couvrir en cas d'arrestation.
Concernant Ali Bouchareb, l'avocat général a répété sa conviction qu'il était bien le gros bonnet de la drogue que ses complices appelaient "Ryan". Ce Lyonnais a déjà été condamné pour des trafics et arrêté en Espagne dans une autre affaire, en flagrant délit d'importation de 420 kilos de cocaïne.
Cette quantité, "ça ne se trouve pas sous le sabot d'un cheval, ou alors il vous faut tout un haras !", a cinglé M. Gouton, soulignant que M. Bouchareb reconnaissait utiliser trois fausses identités et vivre en fugitif.
L'avocat général a consacré plus d'une heure à détailler les éléments qui convergent selon lui vers M. Bouchareb, parant par avance les attaques de ses avocats sur les faiblesses d'une enquête qui a longtemps échoué à l'identifier. "Toutes les portes des +Ryan+ possibles et imaginables ont été fermées, une seule est restée ouverte, c'est celle où se trouve Ali Bouchareb", a-t-il affirmé.
Le verdict des six magistrats professionnels est attendu en fin de semaine.
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