Confronté à une récession économique et une inflation record, le chef de l'Etat avait jeté toutes ses forces dans la campagne pour un scrutin local largement considéré comme un baromètre de sa popularité, tenant jusqu'à huit meetings par jour à travers le pays.
Si la coalition de M. Erdogan est arrivée en tête à l'échelle nationale avec 51% des voix, l'opposition a remporté Ankara et était en passe d'arracher Istanbul, deux villes que le parti présidentiel AKP et ses prédécesseurs islamistes contrôlaient depuis 25 ans.
A Istanbul, joyau de la couronne de M. Erdogan, qui a été maire de cette ville dont il a fait la vitrine de ses mégas-projets d'infrastructures, le candidat de l'opposition Ekrem Imamoglu était crédité d'une courte avance sur l'ex-Premier ministre Binali Yildirim.
Le président du Haut-comité électoral (YSK), Sadi Güven, a indiqué lundi que M. Imamoglu devançait d'environ 28.000 voix (une goutte d'eau à l'échelle d'une ville de 15 millions d'habitants) M. Yildirim, d'après des résultats partiels. Et M. Güven a souligné que des recours étaient examinés pour un peu plus de 80 urnes.
Après cette annonce, l'agence de presse étatique Anadolu, qui avait subitement arrêté de publier les résultats dimanche soir, a repris son décompte et créditait M. Imamoglu de 48,79% des voix contre 48,51% pour M. Yildirim, après dépouillement de 99% des urnes.
Sans attendre les résultats définitifs, M. Imamoglu a mis à jour lundi sa biographie sur Twitter, se présentant comme le "maire de la municipalité métropolitaine d'Istanbul", et ajouté qu'il voulait "commencer le plus vite possible à servir les Stambouliotes".
M. Yildirim, qui avait revendiqué la victoire dès dimanche soir, a admis lundi que son adversaire "semble avoir reçu 25.000 voix de plus", mais souligné "que le comptage des voix était toujours en cours".
Recours
Quelle que soit l'issue de la bataille d'Istanbul, coeur économique et démographique du pays, M. Erdogan a déjà essuyé un revers cinglant avec la perte de la capitale.
Selon Anadolu, le candidat de l'opposition, Mansur Yavas, était en tête avec 50,90% des voix, contre 47,06% pour celui de la majorité, Mehmet Özhaseki, après dépouillement de 99% des urnes.
Signe toutefois qu'il ne laissera pas lui échapper les deux principales villes du pays sans coup férir, l'AKP a annoncé lundi qu'il déposerait des recours pour faire réexaminer la validité des bulletins considérés comme nuls, affirmant avoir relevé des "irrégularités".
Selon Anadolu, 290.000 votes ont été comptés comme nuls à Istanbul et 90.000 à Ankara.
L'écart entre les candidats à Ankara "va se réduire et je suis convaincu que le résultat sera au final positif pour nous", a déclaré le secrétaire général de l'AKP Fatih Sahin.
M. Yildirim a lui aussi souligné lundi que le nombre de votes nuls à Istanbul était "plus de 10 fois supérieur à l'écart" de voix le séparant de M. Imamoglu, suggérant que le score pourrait changer.
Redoutant des fraudes, l'opposition avait appelé ses observateurs à ne pas quitter les bureaux de vote, quitte à "ne pas dormir pendant 48 heures".
Préoccupations
Les résultats obtenus par l'opposition à Ankara et Istanbul sont d'autant plus remarquables que l'AKP a bénéficié d'une visibilité écrasante dans les médias, pour beaucoup contrôlés par le pouvoir.
Mais la situation économique semble avoir fait du mal à l'AKP, de nombreux électeurs rencontrés par l'AFP dans les bureaux de vote à Istanbul et Ankara, plaçant ce sujet au sommet de leurs préoccupations.
Alors que l'AKP s'est appuyé sur une forte croissance pour engranger les victoires électorales depuis 2002, il a dû, cette fois-ci, composer avec la première récession en dix ans, une inflation record et un chômage en hausse.
"La crise économique a vraiment fait du mal à ses électeurs", explique Berk Esen, professeur associé à l'université Bilkent, à Ankara.
"M. Erdogan a obtenu le soutien de sa base en promettant que la stabilité politique apporterait la prospérité économique", poursuit-il. "Mais ni l'une, ni l'autre n'ont été obtenues sous ses mandats".
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