Pendant cette "trêve" qui courait depuis le 1er novembre, un locataire ne pouvait pas être expulsé de son logement, sauf si un relogement décent était prévu pour lui et sa famille ou si les locaux faisaient l'objet d'un arrêté de péril. Des procédures d'éviction ont toutefois pu être lancées.
A 81 ans, Monique a déjà reçu la visite des huissiers dans son appartement parisien qu'elle ne peut plus payer. Avec une dette locative de 50.000 euros, cette retraitée qui vit avec 1.200 euros par mois pour un loyer de 900 euros avoue "ne plus dormir".
"Je m'enfonce", dit-elle, en racontant son "angoisse" de se retrouver à la rue. "Je me mettrais sur un banc et j'attendrais", imagine-t-elle.
En 2017, 126.000 décisions d'expulsion ont été prononcées, dont plus de 120.000 pour impayés locatifs (+49% depuis 2001), selon le dernier bilan annuel de la Fondation Abbé Pierre (FAP).
La même année, 15.547 ménages ont été expulsés avec le concours de la force publique, dernière étape si aucune solution n'est trouvée. "Un record historique", déplore la FAP.
"La multiplication des expulsions entre en contradiction avec la politique du +Logement d'abord+ affichée par le gouvernement", estime la Fondation, en référence au plan de l'exécutif qui vise à favoriser l'accès direct au logement très social.
"Avec une augmentation de 46 % en 10 ans, ce sont au total près de 300.000 personnes qui ont été effectivement expulsées manu militari au cours de cette décennie", relève la Fondation. En sachant qu'avant même l'intervention de la police, "bon nombre de ménages quittent leur domicile sous la crainte de la procédure ou la pression du propriétaire ou de l'huissier", précise la FAP.
"Comme un chien"
"Dans ces moments, on vous traite comme un chien. En quelques minutes, toute votre vie se retrouve sur un trottoir", raconte Michel, 51 ans. Expulsé le 13 septembre, une date "gravée dans sa mémoire", il vit depuis plusieurs mois dans une voiture abandonnée. "J'ai de la chance, j'ai trouvé ça mais je ne sais pas combien de temps ça va durer", dit-il.
Jeudi, l'Armée du Salut a mené une action à Paris en dessinant sur certains trottoirs des silhouettes de personnes dormant par terre afin de rappeler que "la seule place offerte aux personnes sans-abri accueillies pendant l'hiver est la rue".
Samedi, des personnes menacées d'expulsion ou qui ont subi une expulsion ont manifesté à Paris à l'appel de "gilets jaunes" et de l'association Droit au logement (DAL).
Dénonçant "la flambée de loyers", "la spéculation immobilière", "la précarité énergétique", cumulées à "une baisse du pouvoir d'achat des classes populaires et moyennes", les associations exigent que plus aucune expulsion ne se fasse sans solution de relogement.
Elles insistent également sur la nécessité de construire massivement des logements sociaux accessibles aux petits revenus et demandent l'encadrement des loyers dans les grandes métropoles.
La fin du mois de mars marque aussi la fermeture des places d'hébergement ouvertes pendant les mois d'hiver. Les associations estiment à au moins 8.000 le nombre de personnes risquant de se retrouver à la rue à partir de dimanche soir.
Elles s'inquiètent aussi cette année de voir le phénomène amplifié par la possible remise à la rue de centaines de migrants en Ile-de-France, si la transformation administrative de leurs centres d'hébergement d'urgence (CHUM) aboutit à les priver d'un lit.
"Ça fait 20 ans que je retourne à la rue au printemps!", lance Yannick, 41 ans. Hébergé dans un centre géré par l'Armée du Salut à Belfort, il se retrouvera dehors dimanche soir, comme des milliers d'autres sans-abri.
Mercredi, le ministère du Logement a annoncé que 6.000 places supplémentaires ouvertes pendant l'hiver, dont 1.400 à Paris, seraient pérennisées, portant à 145.000 le nombre de places d'hébergement pour les sans-abri ouvertes toute l'année.
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