C'est une révolution qui s'installe dans le domaine de la politique d'accueil des Mineurs non accompagnés (MNA), ces mineurs isolés étrangers. Un décret, issu de la loi asile et immigration, entre en application partout en France le 1er avril 2019. Il prévoit de nouvelles modalités d'évaluation des MNA et la création d'un controversé fichier biométrique. Jusqu'à maintenant, les Départements seuls avaient pour mission d'évaluer l'âge d'un potentiel MNA et donc de décider ensuite, s'il s'avérait bien mineur, de l'accueillir dans le cadre de l'Aide sociale à l'enfance (ASE). Le nouveau texte prévoit désormais un passage des MNA en préfecture qui va collecter un certain nombre de données administratives, centraliser des informations sur l'identification et la détermination de l'âge des MNA, recueillir une photo et des empreintes qui vont servir à la création d'un grand fichier biométrique national.
"C'est une aide que l'État apporte aux Départements, explique Yvan Cordier, secrétaire général de la préfecture de Seine-Maritime. Le rôle de la préfecture avec ce fichier va être de vérifier que la demande d'accueil n'a pas été faite dans un autre département ou que la personne n'a pas été reconnue majeure dans d'autres fichiers de l'État." Ce n'est qu'ensuite que le président du Conseil départemental peut prendre une décision sur la prise en charge ou non de la personne.
La politique d'immigration avant les droits de l'enfant
Avec 18 organisations, @UNICEF_France saisit le @Conseil_Etat pour contester la légalité du décret autorisant le fichage des mineurs isolés. Nous demandons que les droits des enfants soient respectés : ce décret doit être purement et simplement annulé ! ➡ https://t.co/xnwRnVtDt3 pic.twitter.com/RYFTMsMXe5
— UNICEF France (@UNICEF_france) 28 février 2019
Les associations sont vent debout contre le projet. 18 organisations, dont l'UNICEF, le syndicat de la magistrature, médecin du monde ou encore l'armée du salut ont déposé des recours devant le conseil d'État pour contester la légalité du décret (un recours au fond, un recours en référé suspension et une question prioritaire de constitutionnalité). Elles estiment qu'en "organisant le fichage de mineur.e.s à d'autres fins que celles liées à leur protection, [...], ces dispositions législatives et réglementaires portent gravement atteinte aux droits de l'enfant". Un point de vue partagé par Blandine Quevremont, avocate à Rouen, qui exerce pour les droits des MNA. "On passe de la protection à la suspicion. Un MNA, c'est avant tout un enfant qui doit bénéficier de la protection de l'enfance de manière inconditionnelle", explique-t-elle.
Elle relève le problème des rendez-vous en préfecture qui ne se feront pas avec des professionnels de l'enfance. "Il n'y a pas les garantis qui entourent normalement les rencontres entre un professionnel de l'enfance et un enfant", explique-t-elle.
Autre problème, la question des recours qui inquiètent les associations. Jusqu'à maintenant, un jeune déclaré majeur après son évaluation à l'ASE peut déposer un recours auprès du juge des enfants. C'est l'essentiel de l'activité de Blandine Quevremont. "Dans la très grande majorité des cas, le juge des enfants contredit l'ASE et reconnaît le jeune mineur sans que le Département ne le conteste", explique-t-elle. Le décret prévoit désormais que la préfecture prenne le relais si le jeune est déclaré majeur. Elle peut ainsi procéder à l'examen de sa situation et décider d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF). "La mesure d'éloignement va être prise avant que le jeune ne puisse faire un recours devant le juge des enfants. Il va se retrouver à contester une mesure d'éloignement, même s'il est mineur et qu'un mineur ne peut pas faire l'objet d'une OQTF", s'insurge l'avocate.
Du côté du Département, on affirme simplement que l'on va appliquer la loi sur cette question "délicate" de l'accueil des MNA. Un peu plus de 700 sont accueillis désormais en Seine-Maritime. "Nous serons amenés à l'automne ou à l'hiver prochain à faire un retour d'expérience de ce nouveau système", explique le Président Pascal Martin.
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