Jeudi, le ministre de l'Éducation a annoncé que la mesure, lancée dans les CP des zones les plus difficiles en septembre 2017, ne pourrait pas être bouclée comme prévu à la rentrée prochaine dans le département le plus pauvre de France.
En raison d'un "manque de locaux" et de "ressources humaines de qualité", les classes de CE1 classées Rep (Réseau d'éducation prioritaire) ne seront donc pas divisées par deux en septembre comme le prévoyait la réforme, a expliqué Jean-Michel Blanquer au Parisien, qui fixe désormais l'échéance à la rentrée 2020.
En Seine-Saint-Denis, les acteurs - communes, syndicats enseignants et même rectorat - savaient depuis plusieurs semaines que le point de rupture était atteint sur ce territoire qui détient le record en matière d'écoles classées Rep et Rep+ (Réseau d'éducation prioritaire renforcé).
"Depuis 2017, on a grappillé sur les préaux, les salles des maîtres, construit des modulaires... On est allés au bout de ce qu'il était possible de faire. On a fait le calcul, il aurait fallu construire 70 classes et on ne peut pas! Construire une école, c'est cinq ans et 20 millions d'euros", explique-t-on à la mairie de Bondy - 22 écoles élémentaires classées en Rep et Rep+ sur un total de 23.
"A priori et par principe, personne ne peut être contre le fait que l'on confie moins d'enfants aux enseignants (une douzaine maximum, ndlr). Mais la mesure, pourtant destinée à réduire les inégalités, n'a pas été pensée pour un territoire comme le nôtre", estime-t-on dans l'entourage de la maire socialiste.
De fait, près de deux ans après son lancement, les chiffres récoltés par l'AFP auprès du ministère et du rectorat parlent d'eux-mêmes.
Dans les CP des quartiers les plus en difficulté (Rep+) du "93", seules 7 classes sur 10 sont "physiquement dédoublées", contre 95% en moyenne dans le pays. Dans les classes restantes, deux enseignants travaillent dans la même salle selon des modalités définies au cas par cas.
- "Mouton noir" -
Concernant les CP de Rep, le taux descend à 67%, contre 94% pour la France.
Quant aux CE1 de Rep+, seuls 35% sont dédoublés depuis la rentrée 2018. A comparer à une moyenne nationale de... 83%.
Au rectorat, on invoque "un problème immobilier spécifique" dans un département "très dense" et soumis à "une forte pression immobilière".
"Une fois de plus, en raison d'un manque de stratégie de recrutement, et sur la base de faux arguments sur le sujet de locaux, le département est le mouton noir du gouvernement Macron", a déploré jeudi le président PS du conseil départemental, Stéphane Troussel.
Pour le SNUipp-FSU, premier syndicat dans le primaire, l'argument immobilier est un "prétexte" pour masquer "le manque de moyens humains investis" par la rue de Grenelle.
Le report annoncé par Jean-Michel Blanquer "montre bien que ce n'est pas un problème de locaux, car tout le monde sait que ça ne se réglera pas en un an", s'agace Rachel Schneider, responsable du syndicat dans le département.
A la rentrée 2019, 282 postes supplémentaires ont été budgétés pour le département, en forte croissance démographique - près de 1.400 nouveaux écoliers sont attendus. "Or il en faudrait au moins 320 pour appliquer le seul dédoublement", évalue-t-elle en rappelant que, jusqu'ici, des enseignants ont été affectés même là où la séparation physique des classes n'était pas possible.
"Deux enseignants dans une même classe, ce n'est pas toujours simple. On a des écoles où personne ne veut prendre ces classes, et ça retombe sur des débutants", surreprésentés dans le département, relate Rachel Schneider.
En janvier, le ministère avait livré une première évaluation "encourageante" du dédoublement des CP et CE1, avec une baisse de la proportion d'élèves en difficulté de 7,8% pour le français et 12,5% pour les mathématiques.
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