Jeudi au terme de 11 jours de procès, l'avocat général David Sénat a longuement requis, avec pédagogie et fermeté, l'acquittement : "Il est possible que Laurent Dejean soit coupable mais les preuves font défaut".
Dès le deuxième jour, l'antagonisme avec la partie civile s'était fait jour. "La partie civile est très blessée, limite outragée", avait clamé Christian Bouchon, le mari de la victime, ayant le sentiment que parquet général prenait le parti de l'accusé.
Le 14 février 2011 à Bouloc près de Toulouse, ce père de famille était parti avec sa fille à la recherche de sa femme de 49 ans qui n'était pas revenue de son jogging matinal. Le corps n'avait été retrouvé qu'un mois et demi plus tard, dissimulé dans une conduite d'eau, le crâne enfoncé.
"L'intime conviction n'est pas une intime émotion", a lancé dans son réquisitoire l'avocat général, démontant méticuleusement un "dossier vide" et soulignant la "fragilité" du témoignage qui avait conduit les gendarmes à interpeller Laurent Dejean.
Fragilité du témoignage principal
"On n'est pas surpris, on s'y attendait. On ne peut pas nier qu'il n'y ait pas de preuves évidentes de la culpabilité de Laurent Dejean mais on ne peut pas nier que tous les indices mènent à lui", a déclaré à la presse après les réquisitions la fille de la victime, Carlyne Bouchon, aujourd'hui âgée de 34 ans.
Car fin 2017, ce même avocat général avait estimé qu'il n'y avait pas dans le dossier de plus de 40.000 pièces, les éléments nécessaires pour un renvoi devant les assises. La chambre de l'instruction avait finalement tranché en faveur du renvoi devant un jury populaire.
En l'absence d'ADN confondant l'accusé, et alors que ce dernier a invariablement nié être impliqué dans le meurtre de la joggeuse, les débats n'ont pas permis de de dépasser les faiblesses du dossier.
L'avocat général puis les deux avocats de la défense se sont ainsi employés à démonter un témoignage crucial pour l'accusation.
Cinq jours après la disparition, un témoin s'était présenté aux enquêteurs. Il avait déclaré que quelques secondes après avoir croisé une joggeuse il avait failli emboutir une Clio stationnée à contre sens, tous feux éteints, dans laquelle se trouvait un homme barbu.
A partir de ce témoignage, un portrait robot du suspect a été réalisé et plusieurs personnes ont affirmé reconnaître Laurent Dejean, dont son ex-compagne.
"Fragilité du témoignage humain", a raillé l'avocat général, pointant l'incertitude de ce témoin sur la couleur de la Clio, ou ses erreurs d'identification du suspect.
Un coupable idéal ?
Enfonçant le clou, les avocats Pierre et Guy Dubuisson, ont dénoncé dans leur plaidoirie la fabrication "d'un coupable idéal" par les enquêteurs.
"A un certain, moment il a fallu que l'on trouve un coupable", a tonné Me Guy Dubuisson, dénonçant l'évolution des versions du témoins, pour coïncider, selon lui, avec l'hypothèse de la culpabilité de Laurent Dejean.
Le pénaliste toulousain, a de façon appuyé, mis en garde les jurés contre une erreur judiciaire. "Vous ne pouvez pas condamner si vous n'avez pas de certitude", a-t-il plaidé d'une voix forte.
De leur côté, les deux avocats de la partie civile, Mes Lena Baro et Stéphane Julliard, ont détaillé aux jurés "les éléments convergents" rassemblés par les enquêteurs.
Me Baro ainsi rappelé, l'étrange déclaration de Laurent Dejean aux gendarmes, affirmant avoir aperçu une tâche de sang depuis la route en se rendant à son travail alors même que "la scène de crime n'avait pas été découverte". Autre déclaration troublante, l'accusé avait affirmé qu'il manquait "deux galets" sur la scène de crime, et que ces galets "pouvaient être l'arme du crime".
Me Julliard a plaidé la dangerosité de l'accusé qui consommait du cannabis et de la cocaïne, "accélérateurs de sa maladie", une schizophrénie paranoïde selon les termes de l'expert psychiatre.
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