"L'intime conviction n'est pas une intime émotion", a affirmé David Sénat, démontant méticuleusement un "dossier vide" et soulignant la "fragilité" du témoignage qui avait conduit les gendarmes à interpeller Laurent Dejean.
La disparition de Patricia Bouchon, le 14 février 2011 à Bouloc, avait été signalée par son mari, inquiet de ne pas la voir revenir de son jogging quotidien au petit matin. Le corps de cette mère de famille de 49 ans n'avait été retrouvé qu'un mois et demi plus tard, dissimulé dans une conduite d'eau, le crâne enfoncé.
Cinq jours après la disparition, un témoin s'était présenté aux enquêteurs "à la demande de sa mère", a précisé M. Sénat.
Cet homme a déclaré que quelques secondes après avoir croisé une joggeuse il avait failli emboutir une Clio stationnée à contre sens, tous feux éteints, dans laquelle se trouvait un homme barbu.
A partir de ce témoignage, un portrait robot du suspect a été réalisé et plusieurs personnes ont affirmé reconnaître Laurent Dejean, dont son ex-compagne.
"On s'y attendait"
"Fragilité du témoignage humain", a raillé l'avocat général, pointant notamment l'incertitude du témoin principal sur la couleur de la Clio, ou ses erreurs d'identification du suspect sur photo.
"Un témoignage est déterminant, et sans ce témoignage, il n'y a quasiment rien dans le dossier", a justifié l'avocat général dans son long réquisitoire, démontant point par point cet élément essentiel de l'enquête.
"On n'est pas surpris, on s'y attendait. On ne peut pas nier qu'il n'y ait pas de preuves évidentes de la culpabilité de Laurent Dejean mais on ne peut pas nier que tous les indices mènent à lui", a déclaré après les réquisitions la fille de la victime, Carlyne Bouchon.
"J'espère que les jurés ne seront pas dupes et comprendront que Laurent Dejean est une personne dangereuse", a-t-elle ajouté.
Fin 2017, l'avocat général de la chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Toulouse avait estimé qu'il n'y avait pas, dans le dossier de plus de 40.000 pièces, les éléments nécessaires pour un renvoi devant les assises.
Ce premier réquisitoire avait cependant été ensuite infirmé par la chambre de l'instruction qui avait tranché en faveur du renvoi devant un jury populaire.
Depuis son interpellation quatre ans après les faits, Laurent Dejean, un ouvrier plaquiste, aujourd'hui âgé de 39 ans, schizophrène et placé sous curatelle, a constamment clamé son innocence.
"Un loup"
Pourtant jeudi, les avocats de la partie civile, MMe Lena Baro et Stéphane Julliard, ont repris tous "les éléments convergents" qui ont amené à l'interpellation et à la mise en examen de Laurent Dejean.
Me Baro a ainsi rappelé qu'auditionné par les gendarmes, Laurent Dejean avait affirmé avoir aperçu une tâche de sang en se rendant à son travail alors même que "la scène de crime n'avait pas été découverte".
Selon l'avocate, l'accusé avait également dit avoir aperçu qu'il manquait "deux galets" sur un chemin à proximité de la route, précisément sur la scène de crime, et que ces galets "pouvaient être l'arme du crime".
Me Julliard s'est attaché à démontrer que "la toxicomanie" de l'accusé qui consommait du cannabis et de la cocaïne, constituait "l'accélérateur de sa maladie", une schizophrénie paranoïde selon les termes de l'expert psychiatre.
"Laurent Dejean à cette époque est un loup qui ne supporte plus sa maladie", a indiqué l'avocat, expliquant que "le déni du crime le protège du regard de ses proches" mais qu'il n'a jamais pu fournir le moindre alibi.
Jeudi après-midi le procès doit se poursuivre par les plaidoiries de la défense. Le verdict est attendu vendredi.
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