"La marchandise est en train de pourrir, il n'y a pas d'eau, les transports ne fonctionnent quasiment pas, il n'y a pas de moyens de communications, je ne sais pas comment va ma famille, l'insécurité grandit", fulmine Nestor Carreño, contraint de baisser le rideau de sa pizzeria dans un quartier cossu de Caracas.
Des concerts de casseroles et de klaxons ont résonné dans la nuit de mardi à mercredi à travers de la mégalopole plongée dans le noir. Dans de nombreux quartiers de la capitale, le courant allait et venait depuis des jours.
Alors que ce pays aux réserves pétrolières les plus importantes de la planète se remettait à peine de la première méga-panne du 7 au 14 mars, il se retrouve à nouveau à l'arrêt depuis lundi après-midi. Ce qui a contraint le gouvernement à prolonger jusqu'à mercredi soir la fermeture des établissements éducatifs et des administrations.
Les écoles et les amphithéâtres des universités sont déserts, le métro fermé et les quelques bus qui circulent bondés, a constaté l'AFP.
La coupure géante touche 21 des 23 Etats du pays, selon des utilisateurs des réseaux sociaux faisant état de leur situation à travers le pays. En revanche, le gouvernement socialiste de Nicolas Maduro ne communique pas sur l'ampleur de la panne.
Prévoyants, les habitants font des réserves de nourriture et d'eau.
- "Les gens angoissent" -
"On ne sait pas combien de temps va durer cette situation, évidemment. Au fur et à mesure que ça se prolonge, les choses se compliquent pour effectuer des paiements électroniques, il y a peu d'établissements dotés d'un générateur et les gens angoissent de plus en plus", témoigne Lucia Antiqueira, une employée, à la sortie d'un magasin de fruits et légumes.
Les experts évaluent les pertes pour l'économie vénézuélienne à 200 millions de dollars par jour.
Comme lors de la panne précédente, les conséquences sont dramatiques dans les hôpitaux.
Dans l'hôpital pour enfants du quartier populaire de Petare, à Caracas, Junior Véliz pleure la perte de son bébé : "Il était en soins intensifs et il est mort car il n'y avait pas de chauffage au moment où l'électricité a été coupée. Il est mort d'un arrêt cardiaque à cause de la panne (...) l'hôpital n'avait pas de générateur", explique-t-il à l'AFP, qui n'a pas été en mesure de confirmer cette version avec la direction de l'hôpital.
Les pannes d'électricité sont fréquentes ces dernières années dans le pays, jadis le plus prospère d'Amérique du Sud. Le gouvernement les met systématiquement sur le compte de sabotages orchestrés par l'opposition ou d'attaques extérieures.
Nicolas Maduro a dénoncé mardi sur Twitter un "incendie de grande envergure" visant la centrale de Guri (sud), qui fournit environ 80% de l'électricité du Venezuela (30 millions d'habitants), et provoqué selon lui par des "terroristes" afin de "déstabiliser" son gouvernement.
- Climat électrique -
Une version rejetée par Juan Guaido, reconnu président par intérim par une cinquantaine de pays dont les Etats-Unis: "Il n'y a aucune explication sensée, crédible (...) ce n'est plus une cyber-attaque ou une impulsion électromagnétique, à présent c'est un sabotage, alors que l'armée garde chacune des installations électriques", a-t-il lancé à la tribune de l'Assemblée nationale, seule institution contrôlée par l'opposition.
Outre ce manque de courant, la présence de troupes russes sur le sol vénézuélien électrise le climat politique. "Il semble que (le gouvernement de Maduro) n'ait pas confiance en ses propres militaires, car il les fait venir de l'étranger (...) Ils violent à nouveau la Constitution", s'est élevé Juan Guaido.
Selon la loi, le Parlement a son mot à dire pour toute mission militaire étrangère sur le sol vénézuélien.
Deux avions russes transportant une centaine de militaires et 35 tonnes de matériel sont arrivés à Caracas, avait annoncé dimanche l'agence russe Sputnik. Cela avait donné lieu à une passe d'armes lundi entre Washington et Moscou.
La Russie a expliqué que cette "coopération militaire" avait lieu "en accord avec la Constitution de ce pays et dans le cadre de la loi".
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