La ministre des Sports, Roxana Maracineanu, a rouvert un vieux débat ce week-end en jugeant "inadmissibles" les chants entendus lors du dernier clasico "PSG-OM" au Parc des Princes, le 17 mars.
Ce soir-là, une partie des ultras parisiens avait boycotté le premier d'heure du match, pour protester après l'élimination en Ligue des champions contre Manchester United, avant d'arriver dans son parcage. Et d'entonner des refrains assimilant les Marseillais à "des rats", des "pédés" ou des "enculés" n'en étaient que plus audibles.
Taxée de "candide" ou "bisounours", visée par un tombereau d'injures sexistes sur les réseaux sociaux, la ministre a réaffirmé qu'elle était favorable à des sanctions contre les clubs pour "les responsabiliser". "La faiblesse, l'échec et la défaite ne peuvent pas être associées à l'image de la féminité et à l'homosexualité", a-t-elle ajouté lors d'une réunion de l'Instance nationale du supportérisme.
. Sanctions annulées
En théorie, des pénalités disciplinaires sont possibles. Le règlement de la Ligue de football professionnel (LFP) prévoit que "toute expression orale, visuelle pouvant provoquer haine ou violence à l'égard de toute personne ou groupe de personnes est prohibée".
"Ces sanctions ne peuvent être prononcées qu'à l'égard des clubs ou de leurs dirigeants", expliquait, en juin 2018, le directeur général de la LFP, Didier Quillot, dans un courrier de réponse au collectif Rouge Direct, les anciens du Paris Foot Gay qui luttent contre l'homophobie dans les stades. Il concédait que les cas étaient rares, "compte tenu notamment de la difficulté de constater et matérialiser des faits sanctionnables", avant d'énumérer les actions de prévention de la LFP.
En 2007 et 2008, le club de Bastia avait été sanctionné à deux reprises par des retraits de points, dont le premier annulé par la justice administrative, pour l'attitude raciste de ses supporters envers l'attaquant burkinabé de Libourne, Boubacar Kébé.
A la même époque, la justice administrative avait aussi annulé l'exclusion du PSG de la Coupe de la Ligue pour un an, qui venait sanctionner la banderole "Pédophiles, chômeurs, consanguins: bienvenue chez les Ch'tis", à l'adresse des Lensois.
. "Folklore"
Le mot "pédé", lui, est encore fréquemment employé dans les chants et l'attitude de la LFP relève de "l'hypocrisie", selon le porte-parole de Rouge Direct, Julien Pontes.
"Si on ferme les yeux, qu'on se bouche les oreilles, qu'on ne forme pas les stadiers, qu'on ne place pas d'observateurs, on ne peut effectivement rien constater", affirme-t-il.
Lundi, la présidente de la LFP, Nathalie Boy de la Tour, a justement signé un partenariat avec la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra), destiné à mieux identifier les chants quand ils posent problème. Mais dans le même temps, elle a choqué des associations en affirmant que "pour beaucoup de supporters, ça fait partie du folklore".
Il faut pourtant bien en tenir compte, selon le sociologue spécialiste du supportérisme, Nicolas Hourcade, qui appelle à "comprendre cette culture où l'insulte de l'adversaire est profondément ancrée et la violence verbale acceptée". Ce qui n'empêche pas, selon lui, des prises de conscience.
. Dialogue
Plusieurs acteurs citent en exemple un tournoi organisé à l'Insep il y a plusieurs années entre le Paris Foot Gay et des groupes ultras. Nicolas Hourcade se souvient d'un "vrai temps d'échange sur les significations des chants pour les ultras", sur la manière dont "c'était perçu par les associations de lutte contre l'homophobie".
"Tout le monde doit réfléchir pour voir comment ces chants peuvent être moins insultants, moins discriminatoires pour une partie de la population (...) mais de là à parler d'un problème profond d'homophobie dans les tribunes, je ne pense pas que ce soit la réalité", estime aussi Ronan Evain, le coordinateur du réseau Football supporters Europe (FSE).
"Par le dialogue, on arrive à régler beaucoup de problèmes. En discutant avec les supporters, ça se passe bien", note aussi le porte-parole de Rouge Direct. "Mais la sanction, c'est aussi une forme de pédagogie", avance Julien Pontes.
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