Déjà fragilisé par les accusations de dopage financier et la débâcle du club parisien en Ligue des Champions, le dirigeant qatari, également patron de la chaîne beIN Sports, fait face à un nouveau front judiciaire. Il clame son innocence.
Il a été interrogé mercredi dans une enquête sur des soupçons de corruption en marge de la candidature du Qatar aux Mondiaux d'athlétisme 2017, finalement attribués à Londres, mais dont l'édition 2019 se déroule sur son sol, a appris l'AFP de source proche du dossier.
Les juges d'instruction Renaud Van Ruymbeke et Bénédicte de Perthuis l'ont placé sous le statut intermédiaire de témoin assisté, signifiant qu'il n'est pas mis en examen à ce stade, dans cette information judiciaire tentaculaire ouverte pour "corruption active", qui vise également les conditions d'attribution des JO de Rio-2016 et des JO de Tokyo en 2020.
Les soupçons planent sur deux versements d'un total de 3,5 millions de dollars, révélés par Le Monde, qui ont été réalisés en octobre et novembre 2011 par la société Oryx Qatar Sports Investment, détenue à égalité par Nasser Al-Khelaïfi et son frère Khalid, au profit d'une société de marketing sportif dirigée par Papa Massata Diack, fils de l'ex-président de l'IAAF (1999-2015), Lamine Diack, ancien membre influent du CIO.
Ancien consultant marketing de l'IAAF, Papa Massata Diack, dit "PMD", est au carrefour de plusieurs affaires.
Depuis près de 4 ans, les juges, saisis parce que des fonds ont pu être blanchis en France, tentent de faire la lumière sur un système de corruption à l'IAAF pour couvrir des cas de dopage en Russie et sur des soupçons d'achats de voix de membres du CIO.
Réfugié au Sénégal, "PMD" a toujours réfuté les accusations de corruption. Mais la justice française n'a jamais pu l'entendre alors que son père est mis en examen.
Contreparties
En 2011, Doha ambitionne d'accueillir les Mondiaux d'athlétisme de 2017 et les JO de 2020, mais la capitale qatarie a un handicap: sa chaleur écrasante en été. Pour convaincre, il lui faut obtenir du CIO et de l'IAAF un report des compétitions en automne.
Le calendrier des virements qataris interroge.
En 2011, quelques semaines après l'annonce par Doha de sa candidature aux Mondiaux, une première somme de 3 millions de dollars part le 13 octobre sur le compte de la société de "PMD", Pamodzi Sports Consulting. Les 500.000 dollars restants sont virés le 7 novembre, quatre jours avant le vote de l'IAAF.
Au final, c'est Londres qui l'avait emporté mais Doha obtiendra trois ans plus tard l'organisation des Mondiaux, qui se tiendront du 27 septembre au 6 octobre.
Les juges pensent que ces virements étaient la contrepartie d'un accord de Lamine Diack pour le report en automne des Mondiaux et des JO-2020, et de l'obtention de votes favorables à Doha de membres de l'IAAF, selon une source proche du dossier.
Ces versements étaient prévus dans un contrat de droits de sponsoring et de droits télévisés conclu entre la société de "PMD" et Oryx Qatar Sports Investment, distinct du fonds souverain qatari Qatar Sports Investment, propriétaire du PSG.
Nasser Al-Khelaïfi a bien remis aux juges un protocole d'accord, mais il n'est ni daté ni signé. Il mentionne que Oryx Qatar Sports Investment s'engageait à acheter ces droits pour 32,6 millions de dollars mais à condition que Doha obtienne les Mondiaux-2017, selon des éléments de l'interrogatoire dont a eu connaissance l'AFP.
Le contrat stipulait que les paiements intervenus avant la décision de l'IAAF de novembre 2011 - donc les deux virements - étaient "non remboursables", de quoi alimenter les doutes des enquêteurs.
Devant les juges, l'homme d'affaires, dont l'avocat Francis Szpiner n'a pas répondu aux demandes de l'AFP, a affirmé tout ignorer du contrat, négocié selon lui, par son frère avec un responsable d'Al-Jazeera sport devenu beIN Sports.
En Suisse, M. Al-Khelaïfi est également dans le collimateur d'une enquête pour "corruption privée", concernant l'attribution des droits de diffusion de deux Coupes du monde de football.
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