La Première ministre britannique est attendue en début d'après-midi par les chefs d'Etat et de gouvernement des 27 autres pays de l'Union européenne, lassés des atermoiements britanniques et décidés à poser leurs conditions à un court décalage du divorce.
Mme May leur exposera en personne ce qu'elle leur a écrit la veille: la demande d'un décalage jusqu'au 30 juin, pour avoir le temps de convaincre les parlementaires britanniques d'accepter puis de ratifier le traité de divorce conclu avec l'UE, qu'ils ont déjà rejeté par deux fois.
Mais lors d'une réunion mercredi soir, les ambassadeurs des 27 ont déjà recadré le débat. "La question de la date sera une décision des chefs d'Etat", à prendre à l'unanimité, a souligné une source européenne, mais "l'orientation" qui s'est dessinée (...) est de refuser la date du 30 juin et de se diriger vers une prolongation plus courte.
La date du 22 mai, soit avant les élections européennes prévues du 23 au 26 mai, a rassemblé "une large majorité", a ajouté une source diplomatique, tout en précisant que plusieurs représentants n'avaient pas encore reçu les instructions de leurs capitales.
La Commission européenne a prévenu qu'un report de trois mois "entraînerait de graves risques juridiques et politiques pour l'UE", car le Royaume-Uni serait tenu d'organiser le scrutin européen même s'il se retire ensuite avant la session inaugurale du Parlement, début juillet.
S'il ne le faisait pas, il mettrait en péril la légalité du nouveau Parlement avec le risque d'une paralysie durable du fonctionnement de l'UE, a mis en garde l'exécutif européen.
"Marre des disputes"
"Si on veut éviter tout risque, il vaut mieux qu'une extension technique n'aille pas au-delà de quelques semaines, avant le 23 mai en tous cas", a expliqué un diplomate, jugeant que ce délai devrait suffire pour ratifier au Royaume-Uni un accord de Brexit enfin approuvé.
"Je crois qu'une courte extension sera possible", a dit mercredi le président du Conseil européen, Donald Tusk, maître de cérémonie du sommet à Bruxelles. Mais "elle sera conditionnée à un vote positif sur le traité de retrait à la Chambre des communes", a-t-il prévenu, alors que Mme May cherche à soumettre une nouvelle fois au vote l'accord de divorce qu'elle a conclu en novembre avec Bruxelles.
Les députés britanniques l'ont déjà rejeté massivement à deux reprises, mais la dirigeante conservatrice n'a pas perdu l'espoir de les voir changer d'avis et veut organiser un nouveau vote "aussi vite que possible".
"Vous en avez marre des disputes, des jeux politiques et des querelles procédurales obscures", a lancé mercredi soir Theresa May aux Britanniques, leur disant être de leur "côté". "Il est maintenant temps pour les députés de se décider", a-t-elle ajouté, espérant convaincre ses concitoyens de faire pression sur leurs élus pour qu'ils soutiennent l'accord de retrait.
Le temps presse avant le 29 mars, avec le risque plus que jamais redouté d'un départ britannique brutal, sans l'accord et la période de transition que les deux parties ont âprement négociés pendant un an et demi, et que l'UE refuse de modifier.
"Même si l'espoir d'un succès final peut paraître fragile, voire illusoire, et bien que la fatigue du Brexit soit de plus en plus visible et justifiée, nous ne pouvons renoncer à rechercher jusqu'au tout dernier moment une solution positive", a lancé M. Tusk mercredi.
Nouveau sommet ?
Lors du sommet, "on aura une indication de ce que les 27 sont prêts à accorder en cas de vote positif" au Royaume-Uni, a indiqué un diplomate, tandis qu'une "décision formelle" sera prise plus tard par les 27 en fonction des événements au Royaume-Uni.
Si Mme May n'est pas en mesure "de présenter au Conseil européen des garanties suffisantes sur la crédibilité de sa stratégie", sa demande de report sera "écartée" au profit du scénario d'une "sortie sans accord", a prévenu le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian.
Jeremy Corbyn, le dirigeant du Labour, principal parti d'opposition au Royaume-Uni, est lui aussi à Bruxelles jeudi, pour rencontrer plusieurs responsables européens.
Il leur dira qu'il est confiant dans le fait "qu'une alternative à l'accord bâclé de Theresa May peut être acceptée au Parlement" britannique, a indiqué son entourage.
Si le parlement britannique rejetait à nouveau ce texte, l'UE serait-elle toujours prête à accorder un report du Brexit, forcément plus long? "Seulement s'il y a un changement politique majeur" au Royaume-Uni, comme de nouvelles élections ou un nouveau référendum, a prévenu un diplomate.
"Si la semaine prochaine il n'y a pas de vote ou pas de vote positif au parlement britannique, dans ce cas, il faudra voir s'il faut une nouvelle rencontre du Conseil européen" avant le 29 mars, a déclaré la chancelière allemande Angela Merkel jeudi matin devant le Bundestag.
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