Dans la foulée de sa condamnation à six mois de prison avec sursis pour non dénonciation des abus sexuels d'un prêtre de son diocèse, Mgr Barbarin avait présenté lundi sa démission au pape, mais ce dernier, "invoquant la présomption d'innocence, n'a pas voulu accepter cette démission", a annoncé le primat des Gaules dans un communiqué.
Réputé proche de Mgr Barbarin, le pape argentin a longtemps pris personnellement la défense du cardinal français. Lorsque l'affaire lyonnaise avait éclaté en 2016, il avait déjà rejeté une première offre de démission, jugeant qu'elle serait "un contresens, une imprudence", avant l'issue de son procès.
François Devaux, cofondateur de l'association La Parole libérée à l'origine du procès Barbarin, juge ce nouveau soutien papal comme "l'erreur de trop".
"Je crois que cet homme-là (le Pape) va réussir à tuer l'Eglise (...) Cela montre à quel point on a raison et que le problème est intrinsèque au dogme", a-t-il déclaré à l'AFP.
Philippe Barbarin reste donc pour l'heure archevêque de Lyon, même s'il a annoncé qu'il se mettait "en retrait pour quelque temps", laissant "la conduite du diocèse au vicaire général modérateur, le père Yves Baumgarten".
Cette décision, précise-t-il, a été prise sur "suggestion" du pape "et parce que l'Église de Lyon souffre depuis" qu'a éclaté voici trois ans le scandale de pédophilie du diocèse de Lyon.
Un temps évoquée au Vatican, la nomination d'un administrateur apostolique à Lyon a finalement été écartée, et la Conférence des évêques de France (CEF), dans une prise de distance singulière, s'est dite "étonnée" d'une situation "inédite".
Le président de la CEF, Mgr Georges Pontier, a dit toutefois comprendre que ce choix résulte du "conflit entre deux exigences", celle de "respecter le cheminement de la justice" et celle de "se préoccuper du bien du diocèse de Lyon".
A Rome, le Vatican a confirmé par communiqué la décision papale, ajoutant que, "conscient des difficultés que connaît actuellement l'archidiocèse, le Saint-Père a laissé le cardinal Barbarin libre de prendre la décision la plus appropriée" (sa mise en retrait).
ex-inspecteur du fisc
Archevêque de Lyon depuis 2002, cardinal depuis 2003, primat des Gaules (titre honorifique conféré à l'archevêque de Lyon depuis le XIe siècle), Mgr Barbarin est considéré à 68 ans comme le plus haut dignitaire de l'Eglise de France.
A l'issue d'un procès devenu symbole de la crise de l'Eglise face aux actes pédophiles, il a été condamné le 7 mars à six mois de prison avec sursis pour ne pas avoir dénoncé à la justice les agressions pédophiles imputées par des scouts au père Bernard Preynat dans les années 1980/1990 et dont il avait été informé par une victime en 2014.
Le cardinal a martelé durant le procès n'avoir "jamais cherché à cacher, encore moins à couvrir ces faits horribles". Mais le jugement considère qu'il a choisi de ne rien dire aux autorités françaises "pour préserver l'institution" de l'Eglise, empêchant ainsi "la découverte de très nombreuses victimes d'abus sexuels par la justice".
Ses avocats ont fait appel et il faudra donc attendre l'issue de ce second procès pour connaître le sort définitif du prélat.
"Nous espérons que le procès en appel se tienne le plus vite possible, en juillet ou en septembre", a déclaré à l'AFP Me André Soulier, saluant la décision papale.
Avant Mgr Barbarin, deux évêques ont déjà été condamnés pour des faits similaires en 2001 et 2018 mais, depuis trois ans, le scandale lyonnais est devenu le symbole de la crise de l'Église face à la pédophilie.
Choisi pour mener les affaires courantes, Yves Baumgarten a été ordonné prêtre à Lyon sur le tard, à 39 ans. Ce Mâconnais de 54 ans, ancien inspecteur du Trésor public, a notamment été vicaire à Roanne et curé d'une paroisse de Balbigny (Loire) avant d'être nommé vicaire général à Lyon en 2014.
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