Agnès Buzyn a allumé la mèche dimanche : "Pas hostile" à l'idée de retarder l'âge de départ en retraite, la ministre des Solidarités n'a pas exclu de "proposer un allongement de la durée de travail" dans le cadre des discussions sur le futur régime de retraites "universel" voulu par le chef de l'Etat.
"La durée de vie augmente d'année en année, moins vite ces dernières années mais elle a considérablement augmenté", a-t-elle fait valoir.
Des propos tenus, selon la ministre, "à titre personnel", mais qui ont fait bondir les syndicats.
"Elle est complètement en dehors des réalités du monde du travail, pour pouvoir dire des sottises - et je suis poli - comme ça", a balayé mardi le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez.
Depuis 1995, les réformes "se succèdent les unes après les autres et systématiquement elles conduisent à allonger la durée au travail", a rappelé de son côté son homologue de FO, Yves Veyrier.
A la CFTC non plus, "on ne s'attendait pas à ça", a réagi Pascale Coton, qui participe depuis plus d'un an à la concertation avec le haut commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye. Une longue gestation censée aboutir à la présentation d'un projet de loi après les élections européennes du 26 mai.
La sortie de Mme Buzyn est "très malvenue dans le contexte social compliqué en France", a souligné Mme Coton, en référence au mouvement des "gilets jaunes" qui dure depuis quatre mois et s'est accompagné d'une nouvelle flambée de violence samedi.
Embarrassé, M. Delevoye lui-même s'est dit "très surpris", rappelant lundi sur Twitter que le gouvernement s'est engagé "publiquement" à maintenir "l'âge minimum de départ à la retraite" à 62 ans.
Mais mardi, Gérald Darmanin a embrayé sur la proposition d'Agnès Buzyn, la jugeant "courageuse" et digne d'être "étudiée" par l'exécutif.
Le vent a tourné
Pour le ministre des Comptes publics, il ne sera pas possible de financer les propositions qui ont émergé du grand débat "sans toucher à ce qui est l'essentiel de notre dépense publique, qui est la dépense sociale, composée en très grande partie des retraites".
Des déclarations qui "contredisent les engagements pris", selon Frédéric Sève, de la CFDT, qui a estimé dans un tweet que "la cacophonie rend impossible la discussion" et réclamé "une clarification" de l'Elysée et de Matignon.
Mais l'exécutif doit aussi résoudre une équation budgétaire. Certes, le candidat Macron affirmait dans son programme que "le problème des retraites n'est plus un problème financier".
Mais le vent a tourné: selon les dernières projections du Conseil d'orientation des retraites (COR), datées de juin 2018, "le solde financier du système s'établirait à -0,2% du PIB en 2022". Soit un trou dans la caisse d'environ 5 milliards d'euros.
Pour le combler, l'exécutif n'a plus beaucoup de cordes à son arc. En théorie, il pourrait s'appuyer sur les trois leviers classiques des réformes précédentes: les cotisations, le niveau des pensions et l'âge de départ.
Mais le premier a déjà servi, avec la hausse générale de la CSG début 2018, sur laquelle le chef de l'Etat a dû faire marche arrière pour une partie des retraités, espérant ainsi calmer la fronde des "gilets jaunes".
Le deuxième levier suit la même voie: après la "désindexation" des pensions de base, qui ont moins augmenté que l'inflation cette année, la majorité envisage une "réindexation" en 2020 pour les retraités modestes.
Reste donc l'option de l'âge de départ, plébiscitée par le patronat. Le Medef ne cache pas qu'il souhaite "inciter les assurés à partir plus tard que l'âge légal", par exemple en s'inspirant du bonus-malus mis en place sur les retraites complémentaires des salariés du privé (Agirc-Arrco).
Une solution qui permettrait à l'exécutif de ne pas trahir l'engagement du président de la République de maintenir l'âge légal à 62 ans.
"Cela reviendrait au même", estime Mme Coton, qui met en garde l'exécutif: "Il faut être honnête avec les Français".
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