"Il y a une sensibilité nouvelle à cette thématique: cet épisode d'Amazon est très parlant car, souvent, les tendances viennent des Etats-Unis et certainement dans le cadre de l'immobilier", juge auprès de l'AFP, Filippo Rean, organisateur du Marché international des professionnels de l'immobilier (Mipim).
Lors de ce rendez-vous annuel du secteur mondial à Cannes, qui s'est tenu cette semaine, villes et promoteurs rivalisent pour présenter d'ambitieux projets immobiliers, certains allant jusqu'à l'émergence d'une ville comme la future capitale administrative égyptienne, à quelques dizaines de kilomètres du Caire.
Alors que l'objectif est souvent d'attirer entreprises et investisseurs, la mésaventure d'Amazon est un contre-exemple: le géant du commerce en ligne a renoncé à s'implanter dans le district new-yorkais du Queens, face à Manhattan, après la mobilisation d'élus locaux et de riverains.
Quand bien même Amazon promettait 25.000 emplois, les opposants ont centré leur rejet autour du concept de "gentrification": l'idée que ce projet ferait monter les prix immobiliers et chasserait les habitants de ce district aux quartiers relativement populaires.
Un "non-sens", regrette auprès de l'AFP Raphaël Pollet, à la tête de projets du promoteur belge Iret à Charleroi, l'une des grandes villes belges les plus pauvres.
"Nous, développeurs immobiliers, travaillons pour enrichir nos actionnaires, on ne va pas raconter de salades", admet-il. "Mais, au delà de ça, toutes les villes où il y a une forme de gentrification, c'est formidable. Ca permet d'avoir plus de revenus via la fiscalité, ça crée de la valeur pour tout le monde."
Certes, dans le cas d'Amazon, les critiques des opposants se sont aussi concentrées sur d'importants avantages fiscaux promis par les autorités au géant technologique.
"Ultra-minorités"
"C'est de la démagogie. Amazon, c'est la grosse méga-entreprise. C'est facile de tomber dessus", tranche auprès de l'AFP Alexandre Allard, promoteur en train d'achever un gigantesque projet de rénovation - complexe hôtelier, restaurants, ferme urbaine -, d'un hôpital dans la métropole brésilienne de Sao Paulo.
M. Allard, qui met en avant une ambition de mixité sociale au sein de ce projet promettant l'embauche de 4.000 sans-abris tout en affichant une salve de participants vedettes comme l'architecte Jean Nouvel et le designer Philippe Starck, dit avoir fait face à des critiques de ce type mais les minimise en les renvoyant à une instrumentalisation politique.
"Tout le problème, c'est le pouvoir colossal qu'on donne à des ultra-minorités ; j'ai été victime de ce genre de tentatives: des hommes politiques venus se mettre devant avec des pancartes. Mais ça n'a pas marché, ils sont arrivés en terrain déjà conquis", juge-t-il, insistant sur des années de concertation avec des riverains et des élus locaux.
Si les entreprises ne répondent théoriquement qu'à leurs actionnaires, l'enjeu est encore plus complexe pour les grands maires: mettre en valeur leur ville, au risque prix d'être confrontés électoralement à ce type de grogne, ou rester sur la défensive et être taxé d'immobilisme ?
"C'est grotesque quand une ville a une société qui a peur de se fermer", regrette auprès de l'AFP Rui Moreira, le maire de Porto, deuxième ville portugaise.
Lui-même issu du privé, M. Moreira est à la tête d'une ville qui, comme la capitale Lisbonne, subit une hausse des prix immobiliers dans un contexte, notamment, d'essor du tourisme et d'installation d'expatriés.
"Ce n'est pas évident que ce soit AirBnb, les touristes ou les expatriés", nuance M. Moreira, pour qui la rénovation du centre ville attire surtout de nouveau des Portuans partis en périphérie ou plus loin.
Face à ce qu'il reconnaît comme des "tensions", M. Moreira nuance l'opposition entre action publique et intérêts privés.
Tout en revendiquant d'investir publiquement en matière d'éducation, il encourage le logement intermédiaire, conçu à partir de capitaux privés pour offrir une offre à mi-chemin entre habitats social et libre, et développe un mécanisme de protection des petits commerces traditionnels.
"Ce n'est pas avec (du) protectionnisme qu'on va résoudre le problème", conclut-il, interrogé sur le rejet d'Amazon.
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