Le procureur avait réclamé dix ans ferme contre celui qui dirigeait jusqu'à sa faillite début 2014 la société MtGox, devenue la principale place mondiale des transactions en bitcoins.
Arrivé au tribunal en costume sombre, ce génie de l'informatique de 33 ans, qui avait clamé son innocence tout au long du procès, a accueilli impassible le verdict, rapidement énoncé. Il avait, en entrant comme en sortant, le visage peu expressif.
La lecture de l'argumentaire en japonais a ensuite duré plus d'une heure. Le tribunal a distingué les chefs d'accusation et n'a finalement retenu que celui de falsification de données informatiques par la création de fausse monnaie virtuelle, avec "volonté manifeste de dissimulation".
Cet acte, "compte tenu de la somme considérable en jeu, a grandement porté atteinte à la confiance des utilisateurs", ont estimé les juges.
Mark Karpelès "a abusé de son expertise en tant qu'ingénieur informatique ainsi que de sa position et autorité", ont-ils détaillé.
Cependant, "le verdict l'a totalement acquitté sur les soupçons d'enrichissement personnel et c'est très important", a réagi pour l'AFP son avocat, Nobuyasu Ogata, selon qui c'était la principale préoccupation de son client.
"Le tribunal a reconnu que Mark ne s'était pas enrichi de la sorte, il a cependant jugé illégales les manipulations informatiques même si nous avions argué que ces opérations avaient été faites pour assurer la continuité des activités", a précisé le défenseur.
La peine a été assortie d'un sursis de quatre ans, du fait de l'absence d'enrichissement personnel et puisque le prévenu avait auparavant un casier judiciaire vierge au Japon.
"Pas de détournement"
Le tribunal a par ailleurs rejeté le chef de détournement de fonds par M. Karpelès à son propre profit ou pour des activités sans lien avec les statuts de l'entreprise.
Il était accusé par le parquet d'avoir effectué de multiples virements depuis le compte de sa société vers son compte bancaire pour des dépenses personnelles (loyer et lit à des prix exorbitants), en les faisant passer pour des prêts à court terme sans contrat, ni intérêts, ni échéance.
Mais le tribunal a estimé qu'il réglait avec cet argent de nombreux frais de fonctionnement de l'entreprise et n'abusait pas indûment des deniers de cette dernière. Selon les juges, on peut estimer qu'il la remboursera un jour et la pratique est somme toute commune dans les petites sociétés dont le patron est le propriétaire.
Il lui était aussi reproché d'avoir acheté un logiciel de création graphique sans rapport avec les activités de MtGox ou de son autre société, Tibanne.
Sur ce point, la cour a également donné raison à Mark Karpelès en estimant que le prévenu avait pris une décision qui pouvait être vue comme rationnelle, et qu'il était commun que des sociétés investissent dans des domaines nouveaux.
Cette série d'accusations avait émergé en marge d'une enquête sur la disparition soudaine de centaines de milliers de bitcoins, révélée début 2014.
Selon son patron arrêté un peu plus d'un an plus tard, en août 2015, MtGox avait été victime d'une attaque informatique, ce que des investigations distinctes à l'étranger tendent à confirmer.
"Plus actif"
A l'époque, le cas Karpelès avait bien moins attiré la lumière que l'affaire Carlos Ghosn, les similitudes sont pourtant nombreuses.
Mark Karpelès avait été placé en garde à vue durant plusieurs périodes successives d'une vingtaine de jours, inculpé pour abus de confiance puis en détention provisoire et libéré sous caution un peu moins d'un an plus tard, avec interdiction de quitter le territoire japonais.
Après sa libération, il avait retrouvé un travail d'informaticien grâce à son avocat, poste de développeur qu'il occupe toujours.
"Maintenant que les conditions de sa libération sous caution sont levées, il va pouvoir aller ici et là, être beaucoup plus actif", a indiqué M. Ogata, précisant que l'intéressé n'avait pas pour l'heure de projet de séjour en France sachant que la procédure judiciaire n'est peut-être pas terminée puisque le parquet peut faire appel de la décision de première instance.
M. Karpelès avait aussi recommencé à intervenir sur les réseaux sociaux, y exprimant notamment des doutes sur le bitcoin, première et principale cryptomonnaie décentralisée.
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