Ainsi commence l'exil du 14e Dalaï lama, né 23 ans plus tôt sous le nom de Lhamo Dhondup. Il deviendra une icône planétaire de la lutte du peuple tibétain pour la liberté, apôtre de la non-violence auréolé du prix Nobel de la paix en 1989. A la grande fureur de Pékin.
Dominé par la Chine communiste
En 1959, le "Toit du monde" n'est plus maître de son destin depuis près d'une décennie.
Les soldats de la République populaire de Chine, tout juste fondée par Mao Tsé-toung, avaient envahi le Tibet en 1950, indépendant de facto depuis quatre décennies suite à l'effondrement de l'Empire chinois.
Le 23 mai 1951, le royaume himalayen retourne "dans la grande famille de la mère patrie" chinoise aux termes d'un accord en 17 points signé à Pékin.
Le jeune Tenzin Gyatso – le nom de réincarnation du Dalaï lama – conserve ses fonctions de dirigeant et tente de maintenir son peuple dans la non-violence. Mais la coexistence entre Chinois et Tibétains va tourner au drame.
La révolte
La résistance armée contre la domination chinoise débute en 1956, dans la province du Kham (sud-est du Tibet), avant de s'amplifier, faisant de nombreuses victimes parmi la population.
Une étincelle met le feu aux poudres le 10 mars 1959. Ce jour-là, le Dalaï lama doit assister, sans sa garde, lui a-t-on ordonné, à un spectacle au quartier général chinois. Redoutant un enlèvement, quelque 10.000 habitants de Lhassa se massent devant le Norbulinka, le palais d'été du "Dieu vivant", pour empêcher sa sortie. Dans les rues, la foule proteste contre la domination chinoise.
La situation dégénère. Le 17 mars, des obus de mortier sont tirés en direction du Palais d'été.
Dans le plus grand secret, le Dalaï lama, déguisé en soldat, s'échappe à la faveur de l'obscurité en compagnie de sa famille et de dignitaires, sous escorte de guerriers du Kham.
Le 21 mars, le palais d'été est lourdement bombardé. Le Potala, le palais-forteresse qui domine la ville, est la cible de l'artillerie chinoise.
Le 28 mars, un communiqué de Pékin annonce l'échec de la rébellion et la dissolution du gouvernement local. La répression du soulèvement a fait des dizaines de milliers de morts, selon les Tibétains en exil.
L'odyssée himalayenne
Peu d'informations filtrent de la tragédie qui se noue dans ce pays fermé. Seule l'Inde voisine est représentée à Lhassa, et l'essentiel des informations, parvenant avec retard, émane de médias indiens.
Les troupes chinoises, apprend-on le 1er avril, n'ont découvert la disparition du Dalaï lama que deux jours plus tard, ce qui a permis au fugitif de "prendre une bonne avance", selon le quotidien indien "Statesman".
Le lendemain, l'AFP écrit que "le chef spirituel et temporel du Tibet est passé, avec son escorte, au travers des mailles du vaste filet tendu par les forces chinoises appuyées par l'aviation et les parachutistes, sur les montagnes qui séparent le Tibet de l'Inde, le long du fleuve Brahmapoutre".
Son arrivée en Inde, acceptée par le Premier ministre Jawaharal Nehru, est officialisée le 3 avril. Un flash de l'AFP tombe: "Le Dalaï Lama est entré en Inde le soir du 31 mars, a annoncé M. Nehru".
L'exil sans fin
L'AFP fait le récit de l'extraordinaire évasion, dont les détails émergent peu à peu. "Après avoir quitté Lhassa, le Dalaï lama et sa suite marchèrent sans s'arrêter pendant deux jours et deux nuits (...) Des provisions prévues pour un mois étaient transportées à dos de mulets. Pour le passage du Brahmapoutre, un seul bateau en peau de yak fut utilisé (...) Le Dalaï et sa suite évitèrent de marcher le jour afin de ne pas être repérés".
Le Dalaï lama n'est jamais retourné dans son palais du Potala. C'est à Dharamsala, sur les contreforts enneigés de l'Himalaya dans le nord de l'Inde, que le "bouddha vivant", rejoint par des dizaines de milliers de Tibétains, a établi un gouvernement en exil. Aucun pays ne le reconnaît.
En 1988, il a opté pour la "voie moyenne" consistant à réclamer une large "autonomie culturelle". Il a renoncé en 2011 à son pouvoir politique.
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