Une scène atypique dans le pays, l'un des plus inégalitaires au monde.
Le royaume, qui s'apprête à organiser le 24 mars les premières élections depuis le coup d'Etat militaire de 2014, compte 50 milliardaires, davantage que la France ou le Japon, selon le dernier rapport Hurun, l'équivalent chinois du classement américain Forbes.
Mais sur les quelque 70 millions d'habitants, 14,5 sont inscrits au programme gouvernemental d'aide sociale, plus de la moitié d'entre eux gagnant moins de 1.000 euros par an, d'après les données du ministère des Finances.
Dans les allées du très sélect club de polo de la station balnéaire de Pattaya, des femmes, juchées sur des talons hauts, déambulent sur la pelouse, arborant d'élégants chapeaux, tandis que des hommes en pantalon rose rient aux éclats sous la tente de la maison Veuve Cliquot.
Sur le terrain, le milliardaire Harald Link, industriel et philanthrope germano-thaïlandais, copropriétaire du club, dirige l'une des quatre équipes, le maillet à la main.
"On ne peut pas nier que c'est un sport d'élite pour un petit groupe (car) il coûte très cher et nécessite beaucoup de pratique", souligne Nunthinee Tanner, première joueuse thaïlandaise de la discipline et cofondatrice du club.
Ce sport, l'un des favoris des têtes couronnées, rencontre tout de même de plus en plus d'adeptes dans le pays.
Les équipes, en grande partie composées de cavaliers argentins payés des salaires mirobolants, sont sponsorisées par les plus grandes fortunes du royaume.
Le milliardaire Vichai Srivaddhanaprabha, propriétaire du club de football de Leicester au Royaume-Uni, était un des plus importants pourvoyeurs de fonds du polo. Il est décédé fin 2018 dans un accident d'hélicoptère, laissant derrière lui une fortune estimée à 5,8 milliards de dollars.
Ce sport n'est qu'une des multiples facettes de la montée en puissance des riches en Thaïlande.
Record mondial d'inégalités
Les ventes d'appartements et de voitures de luxe sont aussi florissantes. Le britannique Aston Martin a ainsi vendu, à lui seul, 250 voitures l'année dernière à Bangkok, au prix unitaire de 475.000 dollars (420.000 euros).
Mais cet accroissement du nombre de grandes fortunes va de pair avec un fossé qui se creuse toujours davantage entre les plus riches et les plus pauvres.
D'après une étude de Credit Suisse de 2018, le pays serait même devenu le plus inégalitaire au monde avec près de 67% des richesses concentrées dans les mains de seulement 1% de la population.
Cette question est au centre des programmes des partis politiques de tous bords qui concourent pour les élections.
"Nous nous comportons très mal en termes d'inégalités", reconnaît Kobsak Pootrakool, porte-parole du parti pro-militaire Phalang Pracharat qui présente comme candidat au poste de Premier ministre l'actuel chef de la junte, Prayut Chan-O-Cha.
Mais, d'après de nombreux observateurs, les promesses électorales ont peu de chances de se concrétiser après le scrutin.
Elite proche de l'armée
Une élite, très proche du pouvoir politique et de l'armée, détient de nombreuses entreprises familiales et certains généraux siègent dans les conseils d'administration.
En Thaïlande, "le grand capital et l'armée sont dans le même lit", déplore Thanathorn Juangroongruangkit, chef de file du parti anti-junte Future Forward, lui-même fils de milliardaire.
Tant que ce lien très fort ne sera pas rompu, "les inégalités perdureront", souligne-t-il.
Depuis l'arrivée au pouvoir des militaires il y a près de cinq ans, le coût de la vie a augmenté et les revenus des agriculteurs, très nombreux dans le pays, ont reculé.
Et alors que le chômage est quasiment inexistant, la majorité des emplois sont peu qualifiés et faiblement rémunérés, ce qui pourrait empêcher l'accès du pays au rang des "économies avancées", d'après un rapport de la Banque mondiale. L'institut met notamment en cause la mauvaise qualité de l'enseignement dispensé dans les écoles publiques.
Ce fossé toujours plus grand entre riches et pauvres est préoccupant, déplore Naphaporn Bodiratnangkura, une femme d'affaires descendante de la dynastie Nai Lerts, très proche de la famille royale, elle-même l'une des plus puissantes et riches au monde.
Elle se dit aussi froissée par l'arrivée de tous ces nouveaux riches, qui sont bien loin des valeurs qu'elle défend.
"La véritable haute société thaïlandaise, c'est l'aristocratie" du pays, souligne Naphaporn Bodiratnangkura.
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