Le tribunal correctionnel de Bobigny a condamné le groupe ADP, gestionnaire du deuxième aéroport européen, à la peine maximale encourue conformément aux réquisitions du ministère public lors du procès en décembre.
Trois sous-traitants ont également été condamnés: 150.000 euros d'amende pour le bureau de certification Bureau Veritas, 100.000 euros pour le bureau d'études Ingerop ainsi que pour le constructeur GTM (filiale de Vinci).
Tous avaient plaidé la relaxe. Les avocats d'ADP n'ont pas souhaité réagir dans l'immédiat.
Au petit matin du 23 mai 2004, le toit de l'aérogare avait cédé, entraînant la destruction d'une partie de ce terminal en forme de tunnel de verre et de béton inauguré à peine onze mois plus tôt, et dont ADP voulait faire "la vitrine de la France".
Six arcs en béton et quatre passerelles s'étaient effondrés sur une trentaine de mètres, tuant quatre voyageurs étrangers de 27 à 37 ans - deux Chinois, une Libanaise, une Ukrainienne - et blessant sept personnes, dont des employés et des policiers travaillant sur la plateforme.
Le tribunal a expliqué avoir notamment retenu qu'ADP avait commis une "faute" en présentant un projet "techniquement inabouti" à ses sous-traitants. Des sous-traitants qui de leur côté ont mal réalisé les calculs destinés à vérifier si le béton résistait bien à la pression. Bureau Veritas aurait dû "attirer l'attention" d'ADP et "formuler des réserves", a-t-il ajouté.
Les débats ont mis en lumière les défauts de ce bâtiment à 650 millions d'euros dessiné par l'architecte Paul Andreu, concepteur de l'Opéra de Pékin aujourd'hui décédé, et qui ne devait "ressembler à aucun autre".
L'esthétique avant la sécurité
Il était notamment reproché au groupe ADP - à la fois maître d'ouvrage (concepteur) et maître d'œuvre (client) - de s'être montré négligent "eu égard à la complexité et au caractère atypique de l'ouvrage envisagé".
Lors de l'enquête fleuve, les experts ont montré que la résistance des voûtes était "très insuffisante" et que la structure était "très proche de la ruine dès sa conception".
Dans son réquisitoire, le procureur avait pointé la responsabilité "écrasante" d'ADP, "les délais extrêmement tendus imposés" lors de la construction du bâtiment, mais aussi un "manque de transparence" et "un contrôle insuffisant de l'exécution".
"On a pensé à l'esthétique, à l'innovation. A la sécurité, on n'a pas toujours pensé", avait-il déploré.
Le tribunal a également condamné les quatre sociétés à des contraventions pour les blessures les moins lourdes (7.500 euros pour ADP, 6.000 euros pour Bureau Veritas et 5.000 euros pour GTM et Ingerop). Ils devront publier des extraits du jugement dans les journaux Le Moniteur et Les Echos.
"C'est une longue bataille judiciaire qui n'a pas été vaine", a réagi Clarisse Serre, avocate de la Fédération nationale des victimes d'attentats et d'accidents collectifs (FENVAC), partie civile.
Après l'effondrement, la jetée avait dû fermer pendant quatre ans. Cent trente millions d'euros ont été nécessaires pour reconstruire une jetée au profil semblable mais entièrement repensée, avec une voûte métallique à la place de l'ancienne structure en béton.
Ce jugement a été rendu alors que l'Assemblée nationale examine à partir de mercredi en nouvelle lecture le projet de loi Pacte qui prévoit la privatisation d'ADP, qui gère directement ou indirectement 26 aéroports dans le monde (281,4 millions de passagers de passagers en 2018).
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