L'histoire n'est cependant pas encore totalement terminée: des recours au Conseil constitutionnel sont en préparation, y compris de la part d'Emmanuel Macron, ce qui pourrait conduire à l'annulation de certaines mesures.
Interdictions préventives de manifester, fouilles, délit de dissimulation du visage: contre toute attente, les sénateurs à majorité de droite devraient approuver mardi le même texte que celui voté par les députés début février, ce qui vaut adoption définitive.
Le chef de file des sénateurs LR Bruno Retailleau, auteur de la proposition de loi originelle pourtant largement réécrite, fait valoir un "principe d'efficacité": "Il s'agit de mettre hors d'état de nuire des individus qui dénaturent le droit à manifester".
Ainsi en fin de journée, les LR, une majorité des centristes, indépendants et LREM devraient votre pour, tandis que socialistes et communistes vont à nouveau s'élever contre. "Ce texte est inutile, dangereux, liberticide", martèle Eliane Assassi, présidente du groupe CRCE (à majorité communiste).
La proposition de loi, qui visait initialement les "black blocs", avait été approuvée une première fois au Palais du Luxembourg en octobre.
Officiellement pour aller vite, mais aussi dans un geste envers la droite, le gouvernement l'avait reprise à son compte en janvier, après les premières manifestations de "gilets jaunes". "A l'ultra violence nous opposerons l'ultra fermeté", faisait valoir le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner.
Réclamées par des syndicats policiers, mais critiquées sur certains aspects par des magistrats et avocats, les mesures prévues ont été amendées à l'Assemblée, pour un meilleur équilibre entre maintien de l'ordre et libertés publiques.
Mais sans convaincre la gauche qui pointe "une dérive autoritaire", ni tous les députés de la majorité. Se défendant d'être des frondeurs, cinquante LREM, soit 1/6e du groupe, s'étaient abstenus, un record depuis 2017 sur un texte soutenu par le gouvernement. Un élu MoDem avait voté contre.
Sans évolution en particulier de l'article 2 sur les interdictions administratives de manifester, certains "marcheurs" avaient menacé de se prononcer contre, en deuxième lecture.
"On aurait tellement aimé que le texte revienne à l'Assemblée nationale", regrette l'un d'eux, jugeant que le Sénat va sortir "gagnant" de la séquence.
Censure possible de certaines mesures clés
D'autres "marcheurs" soulignent aujourd'hui que "c'est une bonne chose pour l'exécutif" que de disposer rapidement des outils de cette loi, les manifestations des "gilets jaunes" pouvant se poursuivre encore durant des semaines.
Mais il y a un hic: le Conseil constitutionnel va être saisi par les groupes parlementaires de gauche, des députés "Libertés et territoires" et, comme annoncé lundi en Conseil des ministres, par le président lui-même, qui se pose en "garant des libertés publiques".
Face à l'éventualité d'une censure de certains points clés, M. Retailleau souligne qu'à ses yeux, le "coeur" du texte, qu'il espère voir conservé, est la création d'un délit de dissimulation volontaire du visage dans une manifestation, assorti d'une peine d'un an d'emprisonnement et 15.000 euros d'amende.
Ce sont plutôt les interdictions préventives qui font l'objet de toutes les spéculations. "On se croit revenu sous le régime de Vichy", avait lancé avec émotion dans l'hémicycle le député centriste Charles de Courson.
Mais d'après le chef de file des députés LREM Gilles Le Gendre, "un préfet n'a pas du tout envie de voir sa décision (d'interdiction) contestée" et "cela se fera dans la mesure".
Le Conseil constitutionnel décidera "si tel ou tel article relève d'une loi anticasseurs ou d'une loi antimanifestants", a prévenu son président Laurent Fabius.
Il en débattra avec l'ex-maire de Bordeaux Alain Juppé, qui a connu dans sa ville des heurts certains samedis et siège désormais parmi les "Sages".
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