Si le président a annoncé lundi qu'il ne briguerait pas un 5e mandat, comme le lui réclamaient des millions de manifestants, il a toutefois assuré rester en poste jusqu'à la présidentielle reportée à une date qui demeure inconnue. Il prolonge ainsi son 4e mandat, devenu l'enjeu de la poursuite des manifestation selon des opposants.
"Il annule la présidentielle mais reste au pouvoir: la dernière ruse de Bouteflika", titrait en "une" l'influent quotidien El Watan.
Pour Ali Benflis, ancien Premier ministre de Bouteflika passé à l'opposition, "l'allongement du 4e mandat est une agression contre la Constitution par les forces non constitutionnelles (notamment un des frères et conseiller spécial du président considéré comme le vrai chef de l'Etat)".
Ces forces "se sont emparées des centres de décision", a dénoncé dans une vidéo postée sur le web M. Benflis qui a créé en 2014 le parti Talaie El-Hurriyet (Avant-garde des libertés).
L'annonce faite par le chef de l'Etat dans un message à la Nation publié par l'agence officielle a d'abord été saluée par un concert ininterrompu de klaxons dans le centre d'Alger, déserté par la police, pourtant largement déployée durant la journée.
Mais la joie a progressivement cédé la place au doute quand les Algériens ont commencé à découvrir les détails du plan proposé par Bouteflika dont le mandat s'achève le 28 avril.
Subterfuge
"J'ai d'abord sauté de joie en entendant les premières annonces à la télévision mais ce que j'apprends après me donne froid dans le dos", écrit sur sa page Facebook Latifa Ben, une enseignante à la retraite.
"Les amis VICTOIRRRRRRRRRR", écrit dans un premier temps Akli Ourad, ingénieur en Travaux Publics. Avant de se raviser: "finalement, ce subterfuge est conçu pour obtenir une année supplémentaire pour organiser la réincarnation du pouvoir mafieux. Vigilance! Vigilance!"
Le site TSA appelle aussi à la vigilance. "Les Algériens doivent se montrer vigilants pour ne pas se faire confisquer leur belle et joyeuse révolution qui commence à émerveiller le monde", écrit-il.
Dans un tweet, l'ex-diplomate et ancien ministre de la Culture (1998-1999) Abdelaziz Rahabi estime que "le président Bouteflika se moque du peuple (...) Son acharnement à rester au pouvoir va pousser le pays vers l'inconnu et est un danger pour la stabilité de l'Etat et l'unité du pays".
Sur les réseaux sociaux, des appels sont lancés pour "la marche de l'affirmation et de la consolidation" le 15 mars.
Un autre message se propage, disant: "Non à l'arnaque du peuple, rendez-vous le 15 mars" pour un quatrième vendredi consécutif de manifestations.
"Il n'y aura pas de cinquième mandat" et "il n'y aura pas d'élection présidentielle le 18 avril prochain", a annoncé le président, au lendemain de son retour en Algérie, après deux semaines d'hospitalisation en Suisse officiellement pour des "examens médicaux".
La prochaine présidentielle "aura lieu dans le prolongement de la conférence nationale inclusive et indépendante (...), représentative de la société algérienne", qui "devra s'efforcer de compléter son mandat avant la fin de l'année 2019", poursuit le chef de l'Etat.
Cette conférence fixera la date de la prochaine présidentielle, "à laquelle je ne serai en aucun cas candidat", assure-t-il.
"Pas de base légale"
En s'engageant "à remettre les charges et les prérogatives de président de la République au successeur que le peuple algérien aura librement élu", M. Bouteflika fait savoir qu'il restera en fonctions au-delà de l'expiration de son mandat le 28 avril 2019 et ce jusqu'à ce que un nouveau président sorte des urnes.
Aucun texte - Constitution ou loi - n'est invoqué dans le message de M. Bouteflika pour reporter la présidentielle. Pour la spécialiste de droit constitutionnel Fatiha Benabou, professeur à l'Université d'Alger, "il n'y a pas de base légale pour reporter les élections. En cas de crise politique, la Constitution algérienne est partiellement ineffective".
La France a "salué" la décision du président algérien, "exprimant l'espoir qu'une nouvelle dynamique à même de répondre aux aspirations profondes du peuple algérien puisse s'engager rapidement".
M. Bouteflika a parallèlement limogé l'impopulaire Premier ministre Ahmed Ouyahia, remplacé par Noureddine Bedoui, jusqu'ici ministre de l'Intérieur.
M. Bedoui a été chargé lundi soir de former un nouveau gouvernement. Il est flanqué d'un vice-Premier ministre, une première depuis 2012: Ramtane Lamamra, diplomate chevronné et estimé à l'étranger, qui retrouve en outre le portefeuille des Affaires étrangères qu'il avait détenu entre 2013 et 2017.
En annonçant le 10 février sa candidature à la présidentielle, M. Bouteflika avait mis fin à des mois d'incertitude, mais déclenché une contestation inédite depuis sa première élection à la tête de l'Etat en 1999.
Agé de 82 ans, Abdelaziz Bouteflika est affaibli par les séquelles d'un AVC qui l'ont empêché de s'adresser de vive voix aux Algériens depuis 2013 et qui ont rendu rares ses apparitions publiques.
Vendredi, une marée humaine avait déferlé, pour le 3e vendredi d'affilée dans les rues d'Alger et des grandes villes du pays et la mobilisation enflait au fil des semaines, en dépit des tentativs d'apaisement du pouvoir.
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