Affaibli par un cancer de l'estomac, le sulfureux homme d'affaires âgé de 76 ans n'en est pas moins "déterminé" à démontrer qu'il n'a pas "volé le contribuable" et promet de rendre coup pour coup aux accusations d'"escroquerie" et de "détournement de fonds publics", qu'il conteste.
La première après-midi d'audience devrait être entièrement consacrée à des batailles procédurales, avec l'examen de recours déposés par la défense de Bernard Tapie et par d'autres parties.
Cinq autres prévenus comparaissent aux côtés du patron du groupe de médias La Provence. Son ancien avocat Maurice Lantourne et l'un des trois arbitres ayant rendu la sentence frauduleuse, Pierre Estoup, qui avaient des "liens anciens et réguliers", sont également jugés pour "escroquerie".
Le patron d'Orange Stéphane Richard, directeur de cabinet de la ministre de l'Economie Christine Lagarde à l'époque des faits, et les deux ex-dirigeants des entités chargées de gérer le passif du Crédit Lyonnais, Jean-François Rocchi et Bernard Scemama, sont eux renvoyés pour "complicité d'escroquerie".
Ils sont tous soupçonnés de "complicité de détournement de fonds publics", pour avoir organisé et permis un arbitrage qu'ils savaient favorable à l'homme d'affaires et ancien patron de l'Olympique de Marseille.
Pour les juges ayant ordonné le renvoi des six protagonistes en correctionnelle, Bernard Tapie et son avocat s'étaient assurés de la "partialité" de l'arbitre Pierre Estoup, qui aurait "marginalisé" les deux autres membres du tribunal arbitral, l'ex-grande voix du barreau Jean-Denis Bredin et l'ancien président du Conseil constitutionnel Pierre Mazeaud.
Tous deux ont été cités comme témoins au procès par la défense de M. Estoup.
"Clore cette affaire"
Bernard Tapie aurait également fait pression sur ses soutiens à l'Elysée pour obtenir un arbitrage, malgré l'hostilité d'administrations publiques, favorables à une résolution judiciaire classique. Une fois la sentence rendue, il aurait tout fait pour que Bercy n'engage pas de recours.
Cette absence de recours a valu à Christine Lagarde, fin 2016, une condamnation pour "négligence" ayant permis le détournement de fonds publics. Mais elle a été dispensée de peine par la Cour de justice de la République, seule habilitée à juger les ministres pour des faits commis dans l'exercice de leurs fonctions.
Bernard Tapie a fait citer la patronne du Fonds monétaire international (FMI), "surpris" qu'elle ne se soit pas "défendue" devant la CJR.
La procédure d'arbitrage, un règlement privé, avait été décidé peu après l'élection de Nicolas Sarkozy en 2007, afin de mettre un terme à un vieux contentieux entre Bernard Tapie et le Crédit Lyonnais, né de la revente en 1993 de l'équipementier sportif allemand Adidas.
La sentence arbitrale avait attribué en juillet 2008 plus de 400 millions d'euros à l'ancien ministre de Pierre Bérégovoy, dont 45 millions pour indemniser son prétendu "préjudice moral".
Cette sentence ayant été annulée au civil, Bernard Tapie a été condamné à rembourser les sommes perçues, elles aussi contestées. Pour les créanciers, la dette s'élève désormais, avec les intérêts, à près de 525 millions d'euros.
L'avenir des sociétés de M. Tapie, dont dépend ce remboursement, est par ailleurs suspendu à une décision du tribunal de commerce de Paris. Saisi d'une demande de liquidation judiciaire, ce tribunal devrait renvoyer l'audience prévue lundi matin, en raison de la concomitance avec le procès pénal.
"Est-ce que la fraude reconnue par la juridiction civile peut être qualifiée pénalement d'escroquerie? C'est tout l'enjeu de ce procès", pointe Benoît Chabert, l'avocat du Consortium de réalisation (CDR), l'organisme chargé de gérer le passif de l'ancienne banque publique, partie civile au côté de l'Etat.
Me Chabert espère que ce procès pénal, prévu pour durer jusqu'au 5 avril, permettra de clore cette affaire et de clore définitivement "la victimisation de Bernard Tapie".
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